Musée

Le Louvre-Lens a cinq ans

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2017 - 860 mots

LENS

Premier bilan pour le Louvre-Lens : si le musée s’implante indéniablement dans son territoire, le public étranger reste à conquérir.

Lens. Une baraque à frites, la chanteuse Calypso Rose, des centaines de messages sur des papillons en papier et des babouins impudiques : pour les cinq ans du Louvre-Lens, les organisateurs des festivités ont fait feu de tout bois, reprenant la devise initiale du musée, « le Louvre autrement ». Ces réjouissances populaires lors du week-end anniversaire de l’institution illustrent bien le travail engagé par les équipes du Louvre-Lens pour aller à la rencontre des publics du territoire.

Premier élément positif, « le musée est entré en maturité au niveau de sa fréquentation, avec un effet lune de miel qui s’est stabilisé », explique Marie Lavandier, directrice du Louvre-Lens depuis juin 2016. Avec environ 450 000 visiteurs par an et 2,8 millions depuis son ouverture, le Louvre-Lens se classe cette année 3e musée le plus visité en région (derrière le MuCEM à Marseille et le Musée des Confluences à Lyon). « C’est une bataille de chaque jour : pour l’anniversaire, nous avons fait le compte des activités de médiation proposées depuis son ouverture, près de 15 000, soit 10 activités par jour pour le public individuel », calcule la directrice.
 

Un public peu familier des musées

Cette année, une étude de public d’un cabinet privé a dressé les profils des visiteurs du Louvre-Lens, « un public plus rajeuni, plus familial qu’ailleurs », souligne Marie Lavandier. Selon cette étude, le Louvre-Lens a réussi à attirer ouvriers et employés (18 % des visiteurs, soit six points de plus que la moyenne des musées français), et un public peu familier des musées (58,3 % contre 43,3 % dans les autres établissements). On y vient plus en famille qu’ailleurs (33 % contre 16 % en moyenne nationale) et un visiteur sur deux fait la promotion du musée auprès de son entourage. « Ces indicateurs attestent que le public du musée du Louvre-Lens tend à ressembler à la population et à favoriser la mixité sociale et culturelle », estime l’association Euralens dans sa dernière publication. Lors d’un colloque organisé le 8 décembre pour les 5 ans du musée, Jean-Michel Tobelem, docteur en gestion et directeur d’Option Culture, a voulu toutefois nuancer ces résultats au regard des chiffres Insee du territoire avoisinant. Selon lui, avec un département du Nord présentant un bassin d’emploi de 30 % d’employés et de 28 % d’ouvriers, les chiffres du Louvre-Lens devraient être meilleurs dans ces catégories socio-professionnelles. « Ce sont des résultats conquis avec efforts et volonté, répond Marie Lavandier, il faut être confiant, nous travaillons dans la durée et les outils sont là. »

Les observateurs s’accordent néanmoins sur une donnée : le Louvre-Lens n’est pas (encore) devenu une destination pour les étrangers. Avec 83 % de visiteurs français (dont 65 % régionaux) et seulement 17 % d’étrangers (dont plus de 7 % venus de Belgique), le musée manque de visibilité à l’extérieur de l’Hexagone, malgré des collections et des expositions de niveau international. « Pour l’instant, il est exact que le Louvre-Lens n’est pas un pure player international, même si la qualité de ses collections et de son architecture en est bien », note Xavier Greffe, économiste, professeur émérite à l’université Paris-1 (Panthéon-Sorbonne). Selon lui, si l’impact économique n’est pas encore au rendez-vous, c’est en partie par manque d’attractivité touristique du territoire. « Quand on fait des études d’impact, on observe que plus la proportion des étrangers est élevée, plus l’impact s’élève. Et plus l’impact s’élève, plus le nombre de lits dans l’hôtellerie s’élève. » Et Lens a peiné à attirer les hôteliers et les restaurateurs. « L’hôtellerie est difficile, il faut pouvoir remplir en dehors des périodes touristiques, en semaine notamment », note l’urbaniste Jean-Louis Subileau, auteur d’un rapport interministériel en décembre 2016 sur le bassin minier du Nord et du Nord-Pas-de-Calais. « Force est de constater que si le territoire est devenu, contre toute attente, en quelques années une destination touristique, l’apport nouveau de visiteurs extérieurs ne lui profite pas faute […] d’une offre touristique assez complète et diversifiée pour entraîner des séjours touristiques dépassant la journée. Arras et Lille sont en effet les principaux bénéficiaires des retombées notamment hôtelières de l’arrivée du Louvre-Lens », soulignait l’urbaniste dans ce rapport.

« Le Louvre est venu ici pour être le catalyseur d’un nouveau développement économique », affirme Bernard Masset, délégué général d’Euralens. En 2018, après six ans d’attente, le premier hôtel 4 étoiles devrait enfin ouvrir ses 52 chambres en face du Louvre-Lens. L’Apollo, ancien cinéma de Lens désaffecté depuis 2000, devrait laisser place à un complexe comprenant un hôtel de 86 chambres. De quoi venir enrichir l’offre inégale des huit hôtels de Lens-Liévin. En attendant, au Louvre-Lens, les équipes travaillent à plusieurs projets. L’art contemporain devrait trouver sa place dans le parc du musée à l’automne prochain grâce à un partenariat avec les Nouveaux Commanditaires. « J’aimerais intensifier le développement des activités avec les artistes vivants, dans l’accompagnement des publics, des résidences, des actions de médiations », explique Marie Lavandier. Pour cela, la directrice peut compter sur un budget préservé par les collectivités locales et l’état. La Galerie du Temps demeurera gratuite : « Nous en avons mesuré l’effet et un tiers de nos visiteurs ne serait pas venu sans la gratuité. Elle est primordiale ici », affirme la directrice.

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°491 du 15 décembre 2017, avec le titre suivant : Le Louvre-Lens a cinq ans

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