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30 ans de photographie de paysage en France

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 29 novembre 2017 - 643 mots

La BNF orchestre trois décennies d’expériences photographiques du paysage en France. Après la Mission de la Datar, si l’éclectisme prévaut, des écritures singulières ont émergé.

Paris. La Mission photographique de la Datar (1984-1987) a révolutionné l’approche du territoire français en photographie. La démarche de ses commanditaires, Bernard Latarjet et François Hers, et de ses 29 photographes, a été la matrice d’une multitude de projets visant à rendre compte de la manière dont l’Hexagone est occupé et habité. Depuis plus de trente ans en effet, les mutations du paysage en France sont au cœur d’un grand nombre de travaux photographiques, de commandes publiques ou d’initiatives de collectifs venant de photographes ou de regroupements éphémères comme France(s) Territoire Liquide (FTL), dont le projet a associé 43 créateurs de 2010 à 2014. L’exposition de la BNF (Bibliothèque nationale de France) en donne la mesure.

L’institution, fait rarissime, offre les deux vastes espaces d’exposition du site François-Mitterrand à « Paysages français. Une aventure photographique (1984-2017) » et à ses deux commissaires, Héloïse Conésa, conservatrice du patrimoine à la BNF, chargée de la collection de photographie contemporaine, et Raphaële Bertho, historienne spécialiste des missions Datar et FLT. Il est vrai que la BNF est dépositaire du travail de la Datar, que la période couverte est large et que le nombre de photographes (164) et de tirages exposés (plus de 1 000) est des plus vertigineux. Le propos est ambitieux, et tient la longueur malgré une dernière partie où l’on se perd un peu. Il se révèle instructif sur les différentes esthétiques ou approches. Il répare aussi certaines négligences.

Nulle autre exposition n’avait eu lieu après celle de 1984-1985 au Palais de Tokyo consacrée aux premiers travaux de la Mission photographique de la Datar. En introduction, la belle salle richement documentée donne un aperçu de la grande force de ces travaux et de l’influence qu’ils ont eue. Le projet mené par François Hers en 1973 avec les photographes de l’agence Viva a pu inspirer la Mission. L’historien Michel Poivert le rappelle dans son ouvrage La Mission photographique de la Datar. Nouvelles perspectives critiques (La Documentation française, 2014).
 

Dimension expérimentale

L’aventure photographique post-Datar racontée à la BNF n’en demeure pas moins très instructive sur la manière dont le paysage s’est imposé comme l’un des champs d’investigation privilégiés pour observer les modifications sociales, urbaines et/ou environnementales. Les commandes publiques ou résidences engagées dans la mouvance de la Mission comportent toutes une dimension expérimentale, et ce chez des auteurs aussi différents qu’Anne-Marie Filaire et John Batho. Plus loin, la juxtaposition du « Retour en Lorraine »du collectif Le bar Floréal et de la série de Marc Pataut sur les habitants de la friche sur le site du futur Stade de France met en lumière des propos sur le territoire pertinents tant dans leurs formes que dans leur récit.

Le séquençage chronologique, décennie après décennie, rend surtout compte du grand éclectisme visuel et esthétique des approches. À la différence des États-Unis où le mouvement New Topographic est incarné par des auteurs tels que Lewis Baltz, aucune école photographique ne s’est formée en France, bien que l’approche topographique ait permis des travaux au long cours et donné naissance aux écritures bien précises de Thibaut Cuisset, Stéphane Couturier, André Mérian ou Jürgen Nefzger, ou encore Laura Henno sur la question des migrants. Les dérives de l’urbanisation et ses situations duales entre ancien et nouveau monde, ou de no man’s land, dominent. La ruralité semble loin des préoccupations de cette aventure photographique, et quand elle se dessine elle ne convoque aucun récit sur le monde paysan.

La dernière partie, consacrée aux années 2010 et à la montée en puissance de l’espace-fiction biographique, historique ou romanesque, souffre d’un manque de lisibilité par son trop-plein de travaux prêtant à confusion. Dommage.

 

 

Paysages français. Une aventure photographique (1984-2017),
jusqu’au 4 février 2018, BNF, site François-Mitterrand, quai François-Mauriac, 75013 Paris.

 

Légendes photos

Robert Doisneau, Tours Mercuriales, Porte de Bagnolet, Bagnolet, 1984, série « Banlieue d’aujourd’hui, dans les banlieues et villes nouvelles de la région parisienne » Mission photographique de la DATAR © Robert Doisneau / GAMMA-RAPHO

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°490 du 1 décembre 2017, avec le titre suivant : 30 ans de photographie de paysage en France

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