ART CONTEMPORAIN

Douglas Gordon, la révolution par l’intime

Par Magali Lesauvage · Le Journal des Arts

Le 15 novembre 2017 - 487 mots

La galerie Untilthen expose une œuvre magistrale de l’artiste écossais, entre autobiographie et appel à l’insoumission.

Paris. Est-ce un hasard si la « Proposition » de Douglas Gordon pour le sous-sol de la galerie Untilthen, qui après quelques années passées à Saint-Ouen s’est installée au cœur du Paris populaire, boulevard Magenta, est une barricade ? Nous sommes à deux pas de la place de la République, là où, il y a encore quelques mois, fleurissaient les slogans de la rébellion et les prises de parole de citoyennes et citoyens réunis dans la ferveur de « Nuit debout ». Proposal for a Barricade a été réalisée par l’artiste écossais âgé de 51 ans à partir d’éléments trouvés à Paris et dans la ville où il s’est installé, Berlin, et aussi de rebuts d’œuvres anciennes recyclés. Piano, animaux empaillés, guirlandes d’ampoules, coquilles de moules, gants de boxe, coupures de magazines érotiques, bris de bouteilles et mobilier en tout genre forment une frise autobiographique ponctuée d’anfractuosités sombres et de brusques illuminations, où se lit en travelling aller-retour l’intérêt de l’artiste pour la mise en image des révolutions et les ressorts de l’intime dans le politique.

Hommage à la peinture
Pour l’ancien fleuron de l’écurie Yvon Lambert, désormais représenté en France par Untilthen que dirigent Olivier Belot et Mélanie Meffrer Rondeau, anciens directeurs de la galerie de la rue Vieille-du-Temple, l’hommage à la peinture est évident. En particulier à La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix, œuvre révolutionnaire par excellence, et à sa composition ascensionnelle – on songe également, selon que l’on regarde l’installation d’un côté ou de l’autre, au mouvement inverse, chute et décomposition, d’un autre tableau phare du peintre français, La Mort de Sardanapale, et à son fatras chaotique. Proposal for a Barricade de Douglas Gordon est donc une œuvre somme qui devrait faire date dans la biographie de l’artiste, ce qui explique le prix (300 000 euros) qu’en demande la galerie – elle reste encore disponible à l’heure où nous écrivons ces lignes.

Toujours sur le mode autobiographique, le triptyque Self-Portrait of You Me, proposé à 250 000 euros, décline l’image de l’artiste dans des miroirs, se juxtaposant à celle du spectateur. Pour les bourses plus modestes, on se rapportera à l’œuvre produite en 114 exemplaires qui donne son titre à l’exposition, Jesus Is Not Enough (« Jésus ne suffit pas »). Soit une statuette en argent de 10 centimètres de haut à peine, moulée à partir d’une sculpture fragmentaire trouvée en Italie. L’une d’elles, attirant les curieux, est accrochée à un arbre sur le trottoir longeant la galerie. À partir de cet objet relativement familier, Douglas Gordon a rédigé 114 titres potentiels, parmi lesquels Jesus is with you, Eat Jesus, 5 000, Superstar ou Olives (déjà réservé), laissés au choix du collectionneur. Statuette et lettres vinyles forment ainsi réunies 114 exemplaires de l’œuvre Jesus Is Not Enough, dont chacun coûte 5 000 euros. Le prix à payer pour garder en tête la bonne parole.

Douglas Gordon, Jesus Is Not Enough,
jusqu’au 23 décembre, galerie Untilthen, 41, boulevard Magenta 75010 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : Douglas Gordon, la révolution par l’intime

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