FIGURATION

La « peinture inventée » par Magnelli

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 15 novembre 2017 - 520 mots

La Galerie Boulakia met en lumière une période charnière dans l’œuvre du peintre, les années 1920.

Paris. Alberto Magnelli (1888-1971) commence à peindre en 1907, alors âgé de 19 ans, d’abord sous l’influence du futurisme italien. Dès 1915, il s’inscrit dans le courant abstrait européen. Mais à partir de 1920, après le tourbillon coloré des « Explosions lyriques » de 1918-1919, et jusqu’en 1931, avant sa visite des carrières de marbre de Carrare en 1932 à l’origine de sa série des « Pierres » qui l’éloigne définitivement de la figuration, il revient à une approche plus classique de la peinture. C’est cette période que la Galerie Boulakia a mise en exergue à travers 25 œuvres, alors que la dernière exposition consacrée à l’artiste italien à Paris date de 1986, à la galerie Maeght Lelong. « Les œuvres de ces années forment un jalon essentiel dans sa carrière et je souhaitais les faire découvrir car c’est une période méconnue de l’artiste. C’est une prise de risque mais il en faut ! », indique Daniel Boulakia. La galerie présente cette exposition sur laquelle elle travaille depuis un an et demi en amont de la parution au printemps 2018 du catalogue raisonné de l’œuvre peint de Magnelli par l’historien de l’art Daniel Abadie.
 

« Figés comme des statues »

Les œuvres de 1920 à 1930 correspondent à ce que le peintre a dénommé lui-même la période de la « peinture inventée » : « Il n’est pas dans une représentation de la réalité mais il met en scène des êtres imaginés et imaginaires », explique Daniel Boulakia. Ces dix années – avant qu’il ne s’installe en France pour fuir le fascisme – ne sont pas un simple retour à la figuration entre deux périodes abstraites. Il s’agit plutôt pour lui d’inventer une peinture moderne qui puise dans les origines historiques de la peinture. D’ailleurs, il y affiche clairement son attachement au Quattrocento, en particulier à Masaccio.

À l’opposé du déchaînement de couleurs des « Explosions lyriques » (dont un exemple est accroché dans la première salle de la galerie), ce sont ici des camaïeux de gris, d’ocre et de tons froids qui prédominent, comme dans La Ferme (1920) – bien qu’à partir de 1922 il ait recours à davantage de couleurs. « Les personnages ont l’air détachés de leur contexte, figés comme des statues à la manière de De Chirico », commente Daniel Boulakia. « Il y a dans cette peinture une attente, un mystère, la communication entre les personnages semble à la limite de la rupture », poursuit-il, ainsi dans la toile Le Couple, 1922. Même si ce cycle de peintures est figuratif, on sent poindre l’abstraction, comme un prélude à la série emblématique des « Pierres ». Des « morceaux » d’art abstrait sont décelables notamment dans La Famille (1920) et Cinq lires (300 000 € chacun).

Côté prix, si pour les œuvres de 1912 à 1914 et 1918 la fourchette s’échelonne entre 600 000 et 900 000 euros, en revanche les réalisations datées de 1920 à 1930, plus confidentielles, se négocient un cran en dessous. Les prix des 25 œuvres exposées oscillent ainsi entre 150 000 et 300 000 euros (10 000 et 15 000 € pour les 5 dessins).

 

 

Magnelli et la peinture inventée,
jusqu’au 7 décembre, Galerie Boulakia, 10, avenue Matignon, 75008 Paris.

 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : La « peinture inventée » par Magnelli

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