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Le château de Saint-Ouen veut retrouver son prestigieux mobilier

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 15 novembre 2017 - 732 mots

Le Centre des monuments nationaux et la Ville de Saint-Ouen travaillent sur un projet de remeublement du château.

Saint-Ouen. En 2020, le conservatoire de musique de la Ville de Saint-Ouen déménagera du château qu’il occupe pour s’installer dans un nouveau bâtiment. Cette grosse bâtisse néoclassique, à laquelle l’architecte Jean-Jacques-Marie Huvée (1783-1852) a donné des airs de villa palladienne plus que de véritable château, va devoir trouver une nouvelle affectation. La Ville de Saint-Ouen, propriétaire du site depuis 1958, a noué en octobre une convention avec le Centre des monuments nationaux (CMN) pour concevoir, grâce à « l’expertise en gestion de monuments et de collections du CMN », un projet patrimonial qui devrait permettre à l’édifice de renouer avec son histoire. Car cette demeure a une origine prestigieuse, royale même, que la Ville de Seine-Saint-Denis entend bien valoriser, voire ressusciter. Elle a été bâtie entre 1819 et 1823 sur les deniers privés de Louis XVIII pour loger sa maîtresse Zoé de Cayla. L’emplacement n’est pas le fruit du hasard : c’est là qu’a été signée la déclaration de Saint-Ouen qui rétablit le 2 mai 1814 la monarchie mais garantit certains droits acquis sous la Révolution. Si le mobilier commandé spécialement pour l’édifice (peintures du baron Gérard, fauteuils gothiques des ébénistes Bellangé, lustres du bronzier Lucien François Feuchère, bustes du sculpteur Jean-Marie Pigalle) ne se trouve plus entre les murs du château, il n’a pas été dispersé mais a été conservé de manière homogène depuis 1869. À cette date, Valentine de Beauvau, fille de Zoé de Cayla devenue princesse de Craon par son mariage, a installé la majeure partie du mobilier dans un autre château : celui d’Haroué en Meurthe-et-Moselle. Par succession, cet ensemble mobilier est resté dans cette propriété des princes de Beauvau-Craon.
 

40 pièces préemptées

Pour préserver la cohérence de cette commande royale dont la princesse Minnie de Beauvau-Craon a souhaité se défaire au cours des dix dernières années, l’État a préempté en 2007 et en 2016 quarante pièces de mobilier, utilisant notamment, au grand dam de la princesse, l’instance de classement pour que ces œuvres ne puissent sortir du territoire français. Depuis mars 2017, ces objets sont présentés et restaurés devant public au château de Maisons-Laffitte (Yvelines) qui fait partie du portefeuille de monuments gérés par le CMN. Seront-ils déposés au château de Saint-Ouen dans quelques années ? C’est l’orientation prise par le comité de pilotage, présidé par Philippe Bélaval, président du CMN, et William Delannoy, maire de Saint-Ouen. Les Allégories des quatre saisons, toiles peintes par le baron Gérard, retrouveraient leur place dans les arcades de la salle de billard du château pour lesquelles elles ont été conçues et où elles sont aujourd’hui remplacées par des fac-similés en grisaille.

La tâche n’est pas aisée pour autant : si le rez-de-chaussée a conservé ses dispositions d’origine après des travaux de restitution plus ou moins heureux dans les années 1960, le premier étage, où se trouvait le cabinet gothique de Zoé de Cayla, a perdu ses décors et a été recloisonné.

À l’heure actuelle, le projet de l’ouverture d’un parcours de visite au sein d’un château remeublé, au moins pour son rez-de-chaussée, semble remporter tous les suffrages. « Mais il s’agit aussi de dégager un modèle économique viable », explique le maire de Saint-Ouen qui ambitionne d’installer également « une bonne table » dans le sous-sol du château, déjà muni d’une grande cuisine.

À noter que la cohérence d’un projet de remeublement du château dépend encore des tractations en cours entre le ministère de la Culture et la princesse de Beauvau-Craon. Celle-ci est toujours propriétaire d’une partie du mobilier du château de Saint-Ouen – notamment le Portrait de la comtesse de Cayla et ses enfants signé Gérard toujours accroché dans les parties visitables du château Haroué – que le ministère compte bien acquérir dès que la princesse décidera de s’en séparer.

 

 

Un musée municipal sans murs
Saint-Ouen. À partir de 1965, le Musée municipal d’art et d’histoire de Saint-Ouen a occupé le château, partageant ses espaces avec le conservatoire de musique. En 2005, après le vol d’une œuvre, l’institution, qui a obtenu le label « Musée de France » en 2002, ferme. Les 1 500 œuvres du musée – qualifiées d’« assez mineures » mais comportant les noms d’Antoine Bourdelle et de Germaine Richier – sont aujourd’hui conservées dans des réserves et présentées de manière itinérante. Aucun projet de réouverture n’est à l’ordre du jour.
Margot Boutges
 

 

Légende photo

ChaÌ‚teau de Saint-Ouen © Photo : JéroÌ‚me Panconi | Ville de Saint-Ouen-sur-Seine.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : Le château de Saint-Ouen veut retrouver son prestigieux mobilier

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