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JUSTICE

La Ville de Bayonne condamnée à restituer des œuvres

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 15 novembre 2017 - 637 mots

La « Donation Salles », dont se prévalait la commune au bénéfice du Musée Bonnat-Helleu, n’ a juridiquement jamais existé.

Bayonne. Pendant près de quinze ans, le Musée Bonnat-Helleu à Bayonne (Pyrénées-Atlantique) a pu s’enorgueillir de compter dans ses collections plus d’une vingtaine d’œuvres d’artistes majeurs du XIXe et du début XXe siècle… qu’il se voit aujourd’hui judiciairement contraint de restituer. Parées d’une mention « Donation Salles », des toiles de Vuillard, de Picabia, de Boudin, de Caillebotte ou encore de Gen Paul vont ainsi quitter réserves et cimaises pour revenir aux petits-neveux de Marguerite Salles. Car de donation, de don manuel ou encore de legs, il n’en a jamais été juridiquement question, selon une décision de la cour d’appel de Pau du 30 octobre 2017. Si les œuvres ont intégré le Musée Bonnat-Helleu, aucune intention libérale définitive n’a guidé la défunte dans son choix de confier ses œuvres à l’institution et le testament rédigé avant son décès remet en cause les actes précédemment passés.

Dépôt et don manuel
L’histoire de la « Donation Salles » semble être née d’un péché originel. Après un incendie ayant touché son appartement, en 2000, Marguerite Salles s’était rapprochée du conservateur du Musée Bonnat-Helleu de la Ville de Bayonne par crainte que ses œuvres ne soient détériorées ou détruites à l’occasion d’un nouveau sinistre. La collectionneuse n’était nullement inconnue du musée, des legs ayant été consentis par ses soins en 1995 et en 1996. Mais l’initiative de 2000 ne visait qu’à mettre en dépôt les œuvres et non à leur permettre d’intégrer définitivement les collections.

Sans doute convaincu d’avoir bénéficié d’un don manuel, qui se caractérise juridiquement par la simple remise d’une œuvre sans formalité particulière à la différence de la donation, le musée s’est comporté depuis comme le propriétaire de la vingtaine d’œuvres. Ainsi, la mention « Donation Salles » était régulièrement utilisée par le musée. Présente sur les reproductions des œuvres dans la base de données de la Réunion des musées nationaux, annoncée lors de la première présentation de certaines œuvres à l’occasion de l’exposition « Paysages et natures mortes, impressionnistes et fauves » en 2005, la mention dénote la manière dont la Ville de Bayonne considérait son entrée en possession des œuvres de Marguerite Salles.

Or, juridiquement, la possession des œuvres par la commune ne constituait qu’une présomption simple, susceptible d’être renversée, de don manuel au regard de l’article 2276 du Code civil. Et une telle présomption n’a pu résister aux preuves apportées par les petits-neveux de la défunte. Désignés en 2002, par testament authentique, comme légataires universels par Marguerite Salles, ces derniers ont demandé la restitution des œuvres auprès de la commune de Bayonne. En 2011, cinq œuvres leur étaient restituées après délibération du conseil municipal, aucun acte devant notaire n’ayant été rédigé au bénéfice du musée. Quant à la vingtaine d’œuvres restante, la Ville refusait leur restitution, obligeant alors les héritiers à saisir la justice. L’acte de donation, un temps envisagé au bénéfice du musée, n’ayant jamais été régularisé et la défunte ayant abandonné un tel projet après avoir décidé de gratifier ses petits-neveux en les instituant légataires universels par voie de testament authentique, la cour d’appel de Pau a considéré que le don manuel n’avait jamais existé. Les œuvres avaient été remises dans un but précis de conservation, ce qui conférait à la commune « la qualité de détenteur précaire, tenu d’une obligation de restitution envers son légitime propriétaire, à savoir envers Madame Marguerite Salles de son vivant, et ses héritiers après son décès ».

L’obligation de restitution prononcée par la cour d’appel est assortie d’une astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai d’un mois et les héritiers sont indemnisés à hauteur de 10 000 euros pour les frais de justice, la commune ayant « injustement résisté à [leur] demande de restitution ».

Légende photo

Le Musée Bonnat-Helleu, Bayonne. © O.T. Bayonne.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°489 du 17 novembre 2017, avec le titre suivant : La Ville de Bayonne condamnée à restituer des œuvres

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