MOYEN ÂGE

Le coup d’éclat du verre médiéval

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2017 - 536 mots

La fabrication du verre a gagné en créativité au cours du Moyen Âge. Le Musée de Cluny explore ses multiples usages, du plus prestigieux au plus trivial.

Paris. L’exposition que le Musée de Cluny consacre au verre durant le Moyen Âge aurait sans doute mérité plus de superficie que celle dont dispose le frigidarium, vu son ambition : « donner à voir et comprendre le foisonnement créatif et technique » qui s’est joué autour du verre au Moyen Âge et surtout, montrer ce produit de luxe ou de semi-luxe, né de l’alliance du sable et du feu à travers tous ses usages.

Et ils sont nombreux ! Ici Sophie Lagabrielle, conservatrice générale à Cluny et spécialiste du sujet a retenu trois sections : les verres d’architecture, les verres creux et les verres précieux. Si elle survole souvent certains points, l’exposition a pour intérêt de rassembler les objets à la fois les plus nobles et les plus quotidiens. Parmi les objets les plus prestigieux, c’est évidemment les vitraux religieux qui se distinguent. Ces morceaux de verres (le plus souvent peints) assemblés au plomb et destinés à laisser filtrer la lumière constituent « la plus belle invention du Moyen Âge », selon Henri Focillon, médiéviste des années 1930. On peut difficilement lui donner tort ! « Il faut dire que l’enjeu n’est pas seulement esthétique, il est aussi et surtout théologique. Pour les pères de l’Église et leurs épigones, la lumière est la seule partie du monde sensible qui soit à la fois visible et immatérielle : elle est visibilité de l’ineffable et, comme telle, émanation de Dieu », écrit Michel Pastoureau dans l’essai qui ouvre le catalogue.

Dans un espace tendu de noir, une belle sélection a été faite pour montrer l’évolution du vitrail, en présentant notamment des vitraux descendus de leur édifice, parfois pour leur restauration (ceux de la rose de la Sainte-Chapelle retrouveront leur réseau flamboyant à la fin de l’exposition).

Des vitraux aux urinoirs
Si les premiers vitraux au plomb apparaissent entre le Ve et le VIIe siècle (ici des fragments de vitraux de Notre-Dame de Bondeville assemblés à froid), c’est avec la commande de l’abbé Suger pour Saint-Denis au milieu du XIIe siècle que le vitrail se dote des teintes azurées (grâce à un verre empli de sodium sans doute importé du Proche-Orient) qui vont le faire entrer dans son âge d’or.

Au sacré succède le trivial. Ainsi, un espace est dédié aux urinaux, récipients à fond convexe utilisé par le médecin pour mirer les urines du patient afin d’établir un diagnostic. Réputé comme un « contenant stable, pur, aux parois lisses, qui ne risque pas d’altérer le contenu », l’usage du verre est recommandé en médecine par l’alchimiste Paul de Tarente en 1280. Dans les faits, les objets retrouvés en fouilles, sont souvent loin d’être nets et transparents. Les Occidentaux, qui se sont longtemps reposés sur les techniques du Proche-Orient avant que les routes d’approvisionnement ne soient coupées entre le VIe et le VIIe siècles et qui ont longtemps utilisé des fondants végétaux qui verdissaient le verre, n’ont réussi à véritablement purifier la matière qu’à la fin du Moyen Âge.

Le verre, un Moyen Âge inventif,
jusqu’au 8 janvier 2018, Musée de Cluny, 6, place Paul Painlevé, 75005 Paris.
Légende photo

Arbre de Jessé, provenant de l'église de Saint-Denis, 1140-1144, vitrail, verres colorés et plomb, 375 x 65 cm, Direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France © Photo Dominique Bouchardon / Laboratoire de recherche des Monuments historiques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : Le coup d’éclat du verre médiéval

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