Foire & Salon

ENQUÊTE

Les foires européennes sont plus cosmopolites et moins diversifiées

Par Elisabetta Lazzaro et Nathalie Moureau · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2017 - 777 mots

Les foires européennes accueillent aujourd’hui en moyenne 62 % de galeries étrangères. Les grandes foires tendent à attirer les mêmes enseignes.

L’explosion du nombre de foires fait partie des éléments invoqués pour caractériser l’évolution du marché de l’art, au même rang que l’essor fulgurant du marché chinois, la montée des méga collectionneurs ou encore la flambée des prix. Si ces tendances sont fréquemment soulignées, en revanche plus rares sont les analyses de la concurrence entre foires. Certains de ces grands rassemblements, et non des moindres, ont disparu. Chicago Art Fair qui avait fait partie de la première vague des années 1980 a tiré sa révérence en 2012, alors qu’elle avait le vent en poupe à la fin des années 1990. Elle vient cependant de renaître sous le nom d’Expo Chicago. Le développement de la concurrence sur le territoire américain avec notamment Art Basel Miami avait contribué à sa désaffection. En Europe, au contraire, la Fiac, après avoir connu une période noire dans les années 1990 retrouve depuis plusieurs années un second souffle et ne semble pas souffrir de la concurrence de Frieze London, en dépit d’une forte proximité géographique et calendaire. La politique de reconquête lancée par Martin Bethenod et Jennifer Flay en 2003 a porté ses fruits.
 

Un nombre plus important de galeries étrangères

Dans l’arsenal stratégique mis en place par les foires pour asseoir leur position en dépit de la concurrence, l’internationalisation figure en bonne place. Entre 2005 et 2015, le nombre de pays en provenance desquels les galeries sont issues est passé de 53 à 70. Le poids des galeries étrangères toutes nationalités confondues s’est également accru, passant de 45 % à plus de 62 % en 2015. Bien entendu, cette ouverture est plus ou moins marquée selon les foires. Volta, Liste et Art Basel, à Bâle, qui caracolaient dès 2005 en tête des événements les plus internationalisés avec des taux avoisinant – voire dépassant – les 90 %, ont connu peu d’évolution dans ce sens. D’autres foires, au contraire, ont connu des transformations spectaculaires comme Loop à Barcelone, Artissima à Turin ou la Fiac à Paris, avec des taux d’internationalisation qui ont grimpé de plus de 20 points pour dépasser les 70 %. En dépit d’un fort mouvement d’ouverture aux participations étrangères, ST-ART à Strasbourg, Art Paris Art Fair et MiArt à Milan dénombrent près de la moitié de galeries nationales comme participants (52 % pour Art Paris Art Fair et 50 % pour ST-ART et MiArt). D’autres foires sont très clairement tournées vers les galeries nationales, comme Arte Fiera et Art Cologne, qui comptent parmi les rares dont le taux de galeries étrangères a diminué sur la période.

En dépit de cette ouverture générale à l’international, la montée en concurrence des foires n’a pas nécessairement favorisé la diversité en termes de galeries participantes. Bâle est la foire la plus ouverte sur ce point. Sur la période 2005-2015, plus de 37 % des galeries étaient présentes au cours des trois éditions, 23 % avaient participé à deux éditions. Bien que très internationale, Volta présente au contraire un fort taux de renouvellement, seules 2 % des galeries ayant participé aux trois éditions 2005, 2010 et 2015 ; Artissima enregistre également un fort renouvellement.
 

Les mêmes enseignes d’une foire à l’autre

Plus encore que le taux de renouvellement, l’examen des profils des foires conduit à nuancer l’idée d’une plus grande diversité. L’évolution de la cartographie des foires au regard des galeries qu’elles accueillent montre un mouvement de concentration. Alors qu’en début de période, le réseau constitué par les foires était relativement éclaté, au cours du temps se forme un noyau de foires qui accueillent un nombre élevé de galeries communes. En 2005, le nombre de galeries communes à Frieze, Bâle et la Fiac n’était que de 5 %, il est passé à 15 % en 2015. La Fiac et Frieze connaissent en revanche des évolutions distinctes dans leur rapport à Bâle. Tandis que le nombre de galeries communes à Frieze et Bâle a légèrement décru, passant de 36 à 32 %, le profil de la Fiac s’est rapproché de celui de Bâle, avec 17 % de galeries communes en 2005 et 43 % en 2015. Fiac et Frieze se sont rapprochées et ont 22 % de galeries communes. Artissima, satellite relatif de ce groupe, présente un comportement atypique avec une diminution de moitié des galeries communes à la Fiac (de 12 à 6 %), plus légère avec Frieze (13 à 11 %), mais un accroissement avec Bâle (hausse de 5 % à 9 %).

Monter en qualité, préserver leur identité et valoriser la diversité, beaucoup de foires s’y essayent, peu y parviennent.
 

Elisabetta Lazzaro
Professeur d’économie créative à l’université des arts d’Utrecht
Nathalie Moureau, professeur d’Économie, université Paul Valéry de Montpellier

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : Les foires européennes sont plus cosmopolites et moins diversifiées

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