Photographie

Irving Penn, l’épure à la perfection

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2017 - 522 mots

Le Grand Palais fête le centenaire du photographe américain avec une rétrospective qui met en lumière son obsession pour des images maîtrisées, depuis la composition jusqu’au tirage.

Paris. On avait pris l’habitude de visiter les expositions photo du Grand Palais dans la Galerie Sud-Est, un espace de 650 m2 à l’étage de la grande verrière. Depuis la monographie consacrée à Helmut Newton, aucun photographe n’y a dérogé, ni Robert Mapplethorpe, ni Raymond Depardon. Une fois n’est pas coutume, Irving Penn rentre par la grande porte du Grand Palais. Après la rétrospective Auguste Rodin montrée précédemment dans la partie nord-est des galeries nationales, place donc à un autre monstre sacré de l’art. À l’occasion du centenaire de la naissance du grand photographe américain, il fallait bien cet espace de 1 200 m2 pour accueillir le déploiement fastueux de l’œuvre, proposé par le Metropolitan Museum of Art de New York (MET). Soit pas moins de soixante années de carrière.

Le MET dispose de la plus importante collection de tirages du photographe en nombre, juste après celle de la fondation Irving Penn, incontournable soutien dans la réalisation de cette rétrospective, mais aussi dans l’enrichissement des collections de l’institution comme l’indiquent les cartels de la rétrospective. Jeune femme avec du tabac sur la langue (Mary Jane Russell), épreuve gélatino argentique de 1951 qui fait l’affiche, est ainsi une photographie promise en don par la Fondation, comme le somptueux portrait de Marlène Dietrich ou l’épreuve célèbre en platine palladium de 1968 des Enfants de Cuzco, et bien d’autres encore.

Dans le parcours d’Irving Penn, le MET tient une place particulière. L’institution new-yorkaise a été la première en 1977 à lui consacrer une monographie et à avoir présenté quelques années plus tard ses nus dont il fera don au musée. Une salle leur est d’ailleurs réservée dans l’itinéraire percutant conçu par Maria Morris Hambourg, à l’origine en son temps de leur exposition au MET. Fondatrice du département de la Photographie de l’institution, aujourd’hui commissaire indépendante, c’est l’une des plus importantes spécialistes du photographe. Et la traversée qu’elle propose avec Jeff L. Rosenheim, en charge aujourd’hui de la photographie au MET, et Jérôme Neutres, remet justement au même niveau nus, natures mortes et portraits dans un déploiement de tirages de toute beauté, réalisés par le maître en personne. Leur profondeur ne peut être dissociée du souci du détail de leur auteur ni de l’importance du tirage dans sa création, travail quasi obsessionnel qu’il mena dans ses différents laboratoires. Un regard ou une pose, sublimés par les potentialités du tirage. Articulé par thème, le parcours chronologique en rend parfaitement compte.

Porté par la matérialité de l’épreuve, le photographe a abordé toutes les techniques de tirage, y compris en couleur. Il est pour lui le cœur de l’art photographique. « Le beau tirage est un objet en soi, disait-il, une fin en soi ». « Le potentiel inexploité d’un négatif l’enivre », précise Maria Morris Hambourg dans le catalogue de l’exposition, autre source de réjouissance par ses textes. Exposé à mi-parcours, le rideau de scène gris qui servit de fonds à ses portraits réfléchit lui-même dans son usure et ses tâches une matérialité confondante d’élégance.

 

Irving Penn,
jusqu’au 29 janvier 2018, Grand Palais, entrée Clémenceau, place Clémenceau, 75008 Paris, www.grandpalais.fr
Légende Photo :
Irving Penn, Marlene Dietrich, New York, 1948, épreuve gélatino-argentique, 2000, 25,4 x 20,6 cm, The Metropolitan Museum of Art, New York © The Irving Penn Foundation

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : Irving Penn, l’épure à la perfection

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