ARCHÉOLOGIE

L’Antiquité dans le creux de l’oreille

Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2017 - 469 mots

Le Louvre-Lens a réuni universitaires et conservateurs pour reconstituer l’univers sonore de l’ Antiquité. Une expérience scientifique et sensorielle réussie.

Lens. « Musiques ! Échos de l’Antiquité » est une réussite, mais aurait pu déboucher sur une grande cacophonie : réunir des universitaires et des conservateurs en quatre binômes, soit huit commissaires pour exposer la musique de l’Antiquité de l’Orient, de l’Égypte, de la Grèce, de Rome. 5 000 ans d’histoire autour d’une thématique large, mais récente en archéologie, sans commissariat général. « L’idée est venue d’étudier la musique dans l’Antiquité grâce à la découverte entre 2002 et 2005 de trois harpes égyptiennes exceptionnelles que j’ai eues à étudier, et je me suis rapprochée du département des Antiquités du Louvre », explique Sybille Emerit, une des commissaires. Les Écoles françaises à l’étranger lancent en parallèle un programme de recherche commun, « Paysages sonores et Espaces urbains de la Méditerranée ancienne ». De fil en aiguille, les binômes se sont formés entre chercheurs et conservateurs du Louvre pour concevoir une exposition issue de ces travaux.

Des sons exhumés d’une civilisation disparue
Le défi est de taille : couvrir un thème sensoriel difficilement transmissible, dans une transversalité des régions et des périodes, pour mettre en évidence les points communs et les divergences des civilisations étudiées. « La musique est une clé d’accès aux civilisations antiques », explique Alexandre Vincent de l’université de Poitiers, co-commissaire pour la période romaine. Le religieux, le sacré, le pouvoir, la guerre, mais aussi le quotidien le plus prosaïque : la musique est présente à tous les niveaux des sociétés antiques. C’est autour de ces thématiques fortes que le parcours se déroule, dans une succession de « tambours » circulaires conçus en transparence. Au sol, un fil d’Ariane coloré guide le visiteur. Sur les cartels, des pictogrammes signalent l’appartenance d’un objet à l’une ou l’autre des quatre civilisations étudiées. La clarté et la pédagogie sont les maîtres-mots du parcours, sans alourdir le propos. Céramiques illustrées de scènes de musique, instruments de musique, quelques écrits, poèmes ou prières : la musique de l’Antiquité apparaît en creux, car peu de partitions nous sont parvenues. L’oralité des sociétés antiques est un obstacle aux travaux des chercheurs, qui souvent se sont trompés en partant de postulats modernes. Pendant des dizaines d’années, les harpes égyptiennes ont été exposées à l’envers, comme des harpes modernes, jusqu’à ce que les historiens se rendent compte que les iconographies antiques indiquaient une position inverse…

Là intervient le travail des archéo-musicologues donnant tout son sens à l’exposition : le visiteur peut ainsi entendre le son d’un cornu retrouvé à Pompéi (une modélisation numérique de l’Ircam) ou des tentatives de restitution de l’Hymne d’Ugarit. Cette tablette retrouvée en Syrie en 1928 fournit un des rares exemples d’indications musicales en parallèle d’une prière à la déesse Nikkal. Daté du XIIIe siècle avant J.-C., cet hymne résonne à travers les siècles.

Musiques ! Échos de l’Antiquité,
jusqu’au 15 janvier, Musée du Louvre-Lens, 99 rue Paul Bert, 62300 Lens.
Légende Photo :
Harpe angulaire, Égypte, 664-332 avant J.-C., bois de pin maritime pour le manche, de figuier sycomore pour la caisse et de cèdre pour le cordier, peau, fibres végétales, cordes modernes, Musée du Louvre, Paris © Photo Musée du Louvre, dist. RMN/Hervé Lewandowski

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : L’Antiquité dans le creux de l’oreille

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