DÉCÈS

Robert Delpire, L’œil du livre photo en deuil

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 5 octobre 2017 - 363 mots

L’éditeur et militant de la première heure pour la reconnaissance de la photographie s’est éteint à l’âge de 91 ans.

 Paris. « On s’éduque l’œil par curiosité, par entraînement », disait Robert Delpire. « Mais j’ai toujours pensé qu’il y avait certains individus qui voyaient et d’autres qui ne voyaient pas. Ça ne s’enseigne pas. C’est une grâce qui arrive en naissant. » Le regard de Robert Delpire est entré dans la légende. Nombre de livres qu’il a édités sont devenus des références au premier rang desquels Les Américains de Robert Frank, Exils et Gitans de Josef Koudelka. L’éditeur de la première monographie de Brassaï, de la plupart des livres de Cartier-Bresson ou de Sarah Moon n’aimait guère toutefois discourir sur son aptitude à déceler le talent d’un photographe, ni analyser ses choix. Il s’agissait avant tout « du bonheur de faire ». Une aptitude qu’a déjà cet étudiant en médecine en 1950, quand il prend à 24 ans la direction de la Revue de la Maison de la médecine qu’il débaptise pour l’appeler Neuf. Cette revue a scellé une « passion aussi inattendue qu’insolite » et ses contributeurs (Prévert, Michaux, Picasso, Doisneau, Cartier-Bresson...) ont engagé nombre d’amitiés indéfectibles.

Il s’agit également de « faire », quand il se voit confier la direction artistique de la revue L’Œil en 1955, avant de décider de fonder l’Agence Delpire publicité, autre source de passion et de rencontres. Les campagnes pour Citroën ou Cacharel avec Sarah Moon ont été d’autres succès, comme des sources précieuses de financement pour l’éditeur qui, dans le même temps, est devenu galeriste et producteur de films dont le célèbre Qui êtes-vous, Polly Maggoo ? de William Klein, prix Jean Vigo en 1967.

Quand Jack Lang lui confie en 1982 la direction du Centre national de la photographie (CNP), il s’agit là encore de « faire ». Le Palais de Tokyo deviendra pendant quinze ans le cadre d’expositions déterminantes dans la reconnaissance du médium et sa popularité. Née dans le sillage des activités du CNP, la collection Photo Poche avec ses petits prix marque un autre acte militant. Les auteurs entrés dans cette collection étaient tous des photographes chers à Robert Delpire qui, à la question « quel photographe aimeriez-vous être ? », répondait inlassablement : « Étienne-Jules Marey ».

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°486 du 6 octobre 2017, avec le titre suivant : Robert Delpire, L’œil du livre photo en deuil

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