Nous rêvons tous sous le même ciel

Par Jacques Attali · Le Journal des Arts

Le 20 septembre 2017 - 530 mots

L’exposition « We dream under the same sky » (1), présentée du 16 au 21 septembre au Palais de Tokyo et réunissant les œuvres de plus de 25 artistes contemporains, et la vente aux enchères de ces œuvres, organisée au profit de cinq associations humanitaires qui accueillent, soignent et intègrent les réfugiés en France, constitue une initiative exceptionnelle.

D’abord, parce que ces artistes ont donné, ou créé pour l’occasion, des œuvres magnifiques, bouleversantes, faisant réfléchir, sourire ou s’émouvoir. Des œuvres dignes de se retrouver dans les plus grandes collections privées ou publiques.

Ensuite parce que, avant la vente aux enchères, ont eu lieu tous les soirs, sur le lieu même de l’exposition, des conférences passionnantes sur les actions de ces associations et sur les enjeux immenses des migrations : des millions de gens sont contraints de quitter leur pays en ce moment. Et on ne veut plus les connaître désormais que par le biais des statistiques, préférant oublier qu’ils sont des gens aussi intenses et complexes, passionnants et passionnés, que chacun de nous. De fait, la tendance du politique, partout, est de cacher les migrants, de les mettre hors d’état de communiquer, de les mettre, au pire sens politique, hors d’état de nuire. Et nombre de dirigeants, qui osent encore se prétendre démocrates, les traitent aussi mal que le faisaient, au début des années 1930, les pires régimes de l’Histoire.

Autour de cette initiative se sont fédérées d’innombrables bonnes volontés : galeries d’art, musées, artistes, commissaires d’exposition, commissaires-priseurs, collectionneurs, et tant d’autres, au service d’une même cause : la dignité de ceux qui sont contraints de quitter leur pays en guerre pour survivre et qui nous font l’honneur de nous demander asile, provisoirement ou durablement.

L’exposition rappelle que les artistes savent mieux que personne que la planète est une, que le beau n’a pas de frontière, que tous les hommes sont capables d’imaginer, de créer, de voir grand, que « nous rêvons tous sous le même ciel » comme le dit l’un des artistes exposés. Et que, si on commence par maltraiter ceux qui sont différents parce qu’ils viennent d’ailleurs, on traitera aussi mal un jour ceux qui pensent différemment, même s’ils viennent d’ici.

Enfin cette opération constitue une première magnifique, associant art et empathie, d’une façon concrète et modeste. À la différence d’autres opérations caritatives, en particulier dans la musique (où le caritatif, trop souvent, n’est plus que le prétexte à la mise en avant d’artistes sur le retour), il s’agit là en effet d’une opération d’une totale intégrité et humilité.

Une première que l’on peut rêver voir se multiplier, pour participer à ce qui peut devenir une nouvelle forme d’économie. Une économie altruiste de l’art.

On se prend en effet à espérer voir se développer ce genre d’opérations ; éthiquement altruistes, au service des grandes causes du monde ; et économiquement viables pour tous ceux qui y apportent leurs talents, sous toutes les formes. Cela participera de cette nouvelle économie positive, agissant dans l’intérêt des générations futures, sans laquelle le monde de demain ne sera qu’une juxtaposition de barbaries narcissiques. Une économie qui fera de notre planète un lieu où il fera bon vivre et rêver. Sous le même ciel.

Légende photo

Jacques Attali au Prix Bristol des Lumières © Photo ActuaLitté - 12 novembre 2015- Licence CC BY-SA 2.0

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°485 du 22 septembre 2017, avec le titre suivant : Nous rêvons tous sous le même ciel

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