ART CONTEMPORAIN

Dialogue au sommet entre Jean-Pierre Raynaud et Le Corbusier

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 6 septembre 2017 - 511 mots

Sur le toit de la Cité radieuse, les œuvres obsessionnelles de l’artiste font écho aux lignes graphiques de l’architecte.

Marseille. On connaît l’histoire du MaMo, espace d’exposition créé en 2013 par Ora-ïto au dernier étage de la Cité Radieuse. « J’aurais pu me faire un loft et y installer ma collection. J’ai choisi de la vendre et d’ouvrir un Centre d’art », se félicite a posteriori le designer qui, à Paris, vient de cosigner avec Daniel Buren le Yooma, hôtel rétro-moderne en Front de Seine.

Le MaMo, installé dans l’ancien gymnase prolongé par un toit-terrasse, invite chaque été un artiste – Xavier Veilhan, Daniel Buren, Dan Graham, Felice Varini – à se confronter à l’architecture de Le Corbusier. Duel au soleil. Cette fois-ci, le lieu accueille Jean-Pierre Raynaud, dont le travail n’a pas été montré dans une institution française depuis son exposition en 2006 au Musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice. « Une évidence et une idée fixe », assure Ora-ïto. Entre le designer à succès et l’artiste mondialement connu pour son grand pot doré – un temps placé sur le parvis du Centre Pompidou –, il semble que le courant soit passé. « Nous avons en commun une rigueur absolue », commente Jean-Pierre Raynaud. « J’aime l’idée de mettre en lumière des artistes d’une autre génération, un peu comme quand Tarantino fait appel à Travolta », suggère pour sa part un Ora-ïto assez décomplexé. Excité par « l’enjeu », Raynaud, très en forme à près de 80 ans, commente son exposition avec une certaine jubilation.

La visite devrait, à rebours de la circulation imposée par le lieu, commencer par la fin : une flèche noire horizontale de 17 mètres de long posée en très légère lévitation sur le toit, et dont la forme étirée évoque un atterrissage programmé. Ce geste simple peut se voir comme une référence à ses premières pièces signalétiques, ou comme une incitation à prendre de la hauteur, à changer de perspective – « c’est une pièce faite pour les oiseaux », insiste Jean Pierre Raynaud. Et une bonne image pour Instagram. Mais c’est aussi le signe d’une direction ; sa pointe indique le reste de l’exposition et peut s’entendre comme : « c’est ici ».

Dans la salle couverte sont rassemblées en rang serré quelques pièces emblématiques du parcours et des obsessions de l’artiste : trois sens interdit en soleil couchant rappellent ceux que Raynaud « volai(t) dans la rue » au début des années 1960. Une série d’autoportraits, sorte de totems carrelés alignés en sentinelles, évoque, dit-il, son goût pour les objets des Cyclades et signifie une « présence-absence ». Enfin, 90 bassines chirurgicales contiennent une partie des débris de sa « Maison de la Celle Saint-Cloud », reliques d’un chef-d’œuvre que Raynaud habita plus de vingt ans, avant de le détruire en 1993. Une expérience artistique dont témoigne le film de Michelle Porte, La Maison de Jean Pierre Raynaud, diffusé sur un – trop – petit écran relégué en préambule de l’exposition. « J’aime bien l’idée que l’art soit une aventure humaine et pas seulement la fabrication d’œuvres », rappelle Jean-Pierre Raynaud. C’est aussi ce que l’on peut choisir de retenir de cette exposition.

Ici, Jean-Pierre Raynaud,
jusqu’au 2 octobre 2017, MAMO-Centre d’Art de la Cité radieuse Le Corbusier, 280, boulevard Michelet, 13008 Marseille.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°484 du 8 septembre 2017, avec le titre suivant : Dialogue au sommet entre Jean-Pierre Raynaud et Le Corbusier

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque