Art moderne

XXe SIÈCLE

La joyeuse palette de Manguin

Le Musée des impressionnismes plonge avec ivresse dans les harmonies chromatiques de la période fauve d’Henri Manguin, la plus inventive de son parcours de peintre

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 6 septembre 2017 - 794 mots

Le Musée des impressionnismes plonge avec ivresse dans les harmonies chromatiques de la période fauve d’Henri Manguin, la plus inventive de son parcours de peintre.

Giverny. Chargée des expositions au Musée des impressionnismes, Valérie Reis ne cache pas sa satisfaction : les visiteurs se pressent pour voir « Manguin, la volupté de la couleur ». « L’été, le public veut du bonheur », constate-t-elle. Et, pour le bonheur, il n’est pas de meilleur ambassadeur qu’Henri Manguin (1874-1949) dans sa période allant jusqu’à la Première Guerre mondiale qui constitue le seuil de l’exposition, puisqu’à cette époque le peintre s’est définitivement éloigné du fauvisme.

De Jardin, rue Boursault (1899) à Les Osselets, Cassis (1912-1913), c’est une quinzaine d’années de la production du peintre que le visiteur découvre, en même temps que la figure de Jeanne. Rencontrée en 1896, épousée en 1899, elle est la mère de ses enfants et son modèle préféré jusqu’au début des années 1930, où elle est remplacée notamment par Odette, l’épouse de leur fils Claude. Jeanne, c’est le visage et le corps des jours heureux, pas vraiment belle, mais bien plus que cela : artiste, spirituelle, aimante. C’est ce bonheur à deux, puis à cinq, dans l’intimité ou sous le soleil de la Méditerranée, qui séduit le public et lui permet d’aborder le fauvisme dans les meilleures conditions.

La commissaire, Marina Ferretti, directrice scientifique du musée, a voulu présenter ce mouvement souvent difficile à cerner pour le grand public, à travers l’un de ses fondateurs encore méconnu. D’autant que les temps sont désormais favorables à Manguin : l’une de ses œuvres, La Sieste (1905), issue de la collection Hahnloser, et présentée lors de l’exposition itinérante « Villa Flora » a séduit beaucoup de visiteurs. Montrée depuis le 10 août au Kunstmuseum de Berne, pour l’ouverture des salles dévolues à la collection Hahnloser, cette grande toile figurera peut-être à la reprise de l’exposition de Giverny par la Fondation de l’Hermitage, à Lausanne, en été 2018. Par ailleurs, la très grande majorité des œuvres présentées à Giverny est issue de collections particulières.

« Manguin, la volupté de la couleur » n’est pas tant une exposition monographique qu’une étude du fauvisme à partir du peintre. Ce thème est d’ailleurs celui d’un essai magistral de Dominique Lobstein dans le catalogue. Dès le texte d’introduction dans l’exposition, le visiteur peut situer Manguin parmi d’autres noms plus connus – Matisse, Derain, Marquet, Braque, Vlaminck. Un mur entier de la première salle est consacré à la chronologie du peintre, où sont détaillés ses rapports avec les autres artistes de son époque. Parmi les œuvres de 1898 à 1904 exposées, une petite toile annonce déjà le fauvisme, La Petite Italienne (1903). L’audioguide précise qu’elle a peut-être été peinte à l’Académie Julian que Manguin fréquentait cette année.
 

Petite leçon sur le fauvisme

Cœur de l’exposition, la salle suivante est consacrée aux « Années fauves : 1904-1905 ». Nus et portraits, dont le magnifique Devant la fenêtre, rue Boursault (1904) et La Gitane à l’atelier (1906), peinte en même temps par Matisse chez Manguin, font face aux natures mortes et paysages. C’est ici qu’apparaît Saint-Tropez, où le peintre se plaira toute sa vie. C’est ici aussi que le visiteur apprend ce que fut la salle VII du Salon d’automne de 1905 qui marqua le début du fauvisme. Les phrases de Louis Vauxcelles rendant compte de cette « orgie des tons purs » sont sérigraphiées au mur près des toiles montrées par Manguin dans cette salle VII, dont il ne manque que La Sieste de la collection Hahnloser. L’audioguide précise que Vollard achètera une centaine de ses œuvres l’année suivante (142 toiles, des pastels et des dessins, précise le catalogue), lançant la carrière de l’artiste.

Ce succès apparaît dans la salle suivante, intitulée « Arcadies : 1906-1907 ». Les expositions à l’étranger et les achats de collectionneurs comme Leo Stein, Ivan Morozov et Sergueï Chtchoukine, y sont mentionnés. Séduisants, les paysages de Cavalière et Saint-Tropez et La Baigneuse (1906) à la chair nacrée du Musée de Grenoble marquent déjà l’évolution vers un style plus consensuel. Ce changement se confirme dans l’espace « Au-delà du fauvisme : 1908-1914 », montrant les « portraits mesurés de Jeanne et des enfants » et les « compositions équilibrées [qui] se réfèrent au maître d’Aix [Cézanne] et à la tradition classique », précise le commentaire sérigraphié. La rencontre avec les Hahnloser et l’amitié qui s’ensuivra, ponctuée de visites à la villa Flora, sont évoquées ici, mais c’est par l’audioguide que les visiteurs apprennent que Nature morte aux faisans bleus (1909) leur a appartenu et que deux petits tableaux exposés en bout de salle – La Reine des poupées (1910) et Nature morte aux cerises et aux fraises (1912) – ont été offerts par le peintre aux enfants Hahnloser. Ce volet suisse sera développé lors de la présentation de l’exposition à la Fondation de l’Hermitage, à Lausanne.

 

 

Manguin, La volupté de la couleur,
jusqu’au 5 novembre, Musée des impressionnismes, 99 rue Claude Monet, 27620 Giverny.

 

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°484 du 8 septembre 2017, avec le titre suivant : La joyeuse palette de Manguin

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