ART CONTEMPORAIN

Louise Lawler réinvente la fabrique du regard

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 21 juin 2017 - 390 mots

Le MoMA consacre à l’artiste une remarquable exposition dans laquelle est remise en jeu sa pratique de l’image.

New York. Quelques iPads dans des vitrines, avoisinés par des publications, cartons d’invitations ou encore une boîte d’allumettes. Tous sont les supports d’une information visuelle, d’une – voire de plusieurs – images, qui toujours figurent des œuvres d’art contemporain. C’est là qu’achève de s’imposer, dans la dernière salle de l’exposition que lui consacre à New York le Museum of Modern Art, toute la cohérence et l’intelligence du projet de Louise Lawler, avec tous ces « documents », qui ne sont pas forcément ses propres créations, mais aussi celles d’autres artistes.

L’une des valeureuses représentantes de ce qui, à l’orée des années 1980, fut qualifiée de « Picture Generation » s’est singularisée d’emblée par une attitude « appropriationniste » mise au service d’une critique institutionnelle explorant tant la fonction de l’image que les codes de représentation. Ses photographies sont devenues célèbres : toujours des œuvres d’autres artistes installés dans des musées, des galeries, chez des collectionneurs ou dans des entrepôts.

Dans un texte de 1987, Claude Gintz avait parfaitement synthétisé sa démarche : « Alors qu’il se déplace pour recadrer un fragment d’une œuvre afin d’inclure une part de son extérieur, l’œil de l’appareil photo nie la notion même d’œuvre individuelle en tant que totalité, et l’accent est mis sur le champ de l’inscription… à l’intérieur duquel elle est montrée. »

Dans ce travail de point de vue, de champ, de cadrage effectivement, en plus de s’intéresser à ce qui par endroit relève du goût d’une époque ou de la mise en scène, c’est une fabrication du regard qui est en jeu. Et c’est là que le travail de l’artiste remis en perspective affirme brillamment son intelligence, par une constante capacité à interroger ses formes mêmes, à se repenser, à se réinventer.

L’artiste fait en effet feu de tout bois dans son analyse de l’image, revenant sans cesse sur ses propres clichés qui, loin de n’être que des tirages accrochés au mur, vont se retrouver dans des presse-papier en cristal, sur des Ipad, se voir déformés parce qu’agrandis à l’extrême afin de produire du papier peint, ou n’être plus que des contours noirs sur le mur blanc. Le regard change, le goût change, l’image change… et le travail de Louise Lawler lui aussi.

LOUISE LAWLER : WHY PICTURES NOW

Jusqu'au 30 juillet, Museum of Modern Art, 11 West 53 Street, New York (Etats-Unis)

Légende Photo :
Louise Lawler, Pollyanna (adjusted to fit), distorted for the times, 2007-2008-2012, dimensions variables. © Louise Lawler, courtesy Metro Pictures.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : Louise Lawler réinvente la fabrique du regard

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