Foire & Salon

Bruxelles peine à déplacer les foules

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 21 juin 2017 - 870 mots

BRUXELLES / BELGIQUE

Début juin, les Bruxellois étaient attendus à la foire Cultures et la première édition de Paris Tableau. Un rendez-vous manqué, la sélection pourtant exigeante n’ayant pas suffi à attirer les clients.

Bruxelles. Du 7 au 11 juin, Bruxelles accueillait dans des quartiers différents, deux manifestations rassemblant en tout quatre disciplines distinctes. Située au cœur de l’Europe (donc facilement accessible), la capitale belge n’a pourtant pas réussi à rassembler autant de visiteurs qu’elle l’escomptait, malgré une offre de qualité.

Dans le quartier du Sablon, c’est la foire Cultures qui était orchestrée – trois événements en un seul, rassemblant à la fois de l’art tribal, de l’art asiatique et de l’archéologie. Pour l’art tribal, un catalogue soigné initié par Serge Schoffel, le nouveau président de Bruneaf et un niveau qualitatif rehaussé, n’ont pas suffi pour pallier le manque de clients même si des ventes fermes ont été conclues. « Il faut attirer plus de monde en communiquant davantage et en répartissant mieux le budget. Le catalogue devrait être envoyé aux grands collectionneurs et au moins quinze jours à l’avance », préconisaient Joaquin Pecci, Olivier Castellano et Renaud Vanuxem.

À l’Ancienne Nonciature, l’exposition non commerciale qui rassemblait plusieurs chefs-d’œuvre issus de différentes régions d’Afrique et Papouasie-Nouvelle-Guinée, a été saluée par tous. « Cela fait venir du monde », indiquait le président. Mais plusieurs marchands ont émis quelques doutes : « L’exposition est très belle, certes, mais cela ne nous apporte pas un supplément de visiteurs. » Même constat du côté des arts asiatiques : « c’est mou. Il y a dix ans, les objets partaient très vite », remarquait Philippe Boudin. « Il y a trop de foires, elles se tuent l’une l’autre. Et puis les clients sont devenus plus superficiels. On a du mal à trouver de nouveaux collectionneurs », affirmait Dominique Thirion, spécialisé en archéologie. « Les gens regardent mais ne se décident pas », commentait son confrère parisien Antoine Tarantino.

Toutes spécialités confondues, plusieurs pièces ne manquaient pas d’intérêt, à l’instar d’un appui-nuque des îles Tami (45 000 €) chez Serge Schoffel ou d’une cinquantaine d’objets provenant d’ateliers de laqueurs japonais – établis, boîtes à outils, étagères, bols – (1 000 à 12 000 €), chez Patrick et Ondine Mestdagh. Carlo Cristi dévoilait un ensemble de huit pièces à décor repoussé en argent doré ou or de l’Empire tibétain (15 000 à 50 000 €), ainsi qu’un Bouddha Shakyamuni, Tibet XIVe (700 000 €). Joaquin Pecci avait, quant à lui, rassemblé plusieurs masques Dan d’une même collection (6 000 à 27 000 €), dont un masque de main en laiton (vendu) ou encore une statue Bembe, de la collection Jacques Kerchache (75 000 €) ; Philippe Boudin (galerie Mingei, Paris) avait apporté plusieurs masques Nô dont un provenant de la famille Hosokawa, XVIe (autour de 50 000 €), tandis que Roswitha Eberwein (archéologie) présentait une porteuse d’offrande, Égypte, Moyen Empire (85 000 €).

Paris Tableaux déconnecté de Cultures
Au même moment, mais au sud du quartier du Sablon, se déroulait la première édition du salon français Paris Tableau. Visiblement, malgré la navette qui reliait les deux lieux et une communication partagée, il n’y a pas eu de connexion. Installé à la Patinoire royale, l’écrin baigné d’une lumière zénithale était parfait pour cette manifestation consacrée à la peinture ancienne et du XIXe, avec une poignée d’œuvres du XXe. Plusieurs exposants avaient accroché des œuvres inédites et de belle qualité, tels ces deux grands formats d’Ippolito Caffi, Vue de Naples après l’annexion du Royaume des Deux-Siciles au Royaume de Sardaigne avec le plébiscite de 1860, vers 1864, et Oasis (Carlo Virgilio, Rome) ; une nature morte de fleurs, d’Henri de Fromantiou proposée entre 250 000 et 350 000 euros à la Costermans (Bruxelles), qui reconnaissait que les visiteurs étaient essentiellement belges et français ; La Vieille Flandre, par Théophile Lybaert, 1915, une personnification de la Flandre éternelle pendant la Première Guerre mondiale (Aaron, 60 000 €) ou Jéroboam puni pour avoir adoré les faux dieux, de Jacques de Roore (Franck Baulme). La galerie italienne Porcini présentait deux tableaux de Luca Giordano, L’Enlèvement d’Europe (380 000 €) et Mars (110 000 €) ; Maurizio Canesso dévoilait Salomé avec la tête de Saint Jean-Baptiste par Francesco Rustici, un caravagesque toscan (280 000 €), tandis que la galerie Talabardon et Gautier montrait Tête de cerf, de Jules-Jacques Veyrassat, 1874 (62 000 €). Pour l’occasion, les marchands dont ce n’est pas la spécialité avaient apporté davantage d’œuvres nordiques, comme Saint Sébastien soigné par sainte Irène, 1618, de Cornelis De Beer (Michel Descours, Lyon) ou Le Jour de grande lessive, de Michael Sweerts (900 000 €) chez Canesso.

Ces efforts n’ont pas suscité l’affluence espérée. « Les musées ne se sont pas déplacés, alors qu’ils venaient à Paris. La qualité, le lieu, l’organisation, il n’y a rien à redire, mais la date est probablement mauvaise », constatait Gabriel Terrades. « C’est plus calme qu’à Paris, car même si le salon a une réputation, cela reste une première édition à Bruxelles donc tout est à reconstruire. Il faut que nous nous fassions connaître auprès du public belge », expliquait quant à lui Mehdi Korchane (galerie Descours). À moins d’envisager de réitérer l’expérience dans une autre ville l’an prochain.

Légende photo

Cornelis de Beer, Saint Sébastien soigné par Irène, 1618, huile sur toile, 107 x 147 cm. Courtesy galerie Michel Descours, Lyon.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : Bruxelles peine à déplacer les foules

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