DESIGN

Des objets graphiques signés nendo

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 7 juin 2017 - 644 mots

À la fois rigoureuses et poétiques, les créations d’Oki Sato, très liées au dessin, y reviennent après leur matérialisation dans l’espace.

Hornu (Belgique). Ils sont arrivés dans le plat pays avec, dans leurs valises, un matériel destiné à fignoler une présentation qu’ils savaient déjà réglée au cordeau : pinces à épiler, Cotons-Tiges pour micro-retouches de peinture, mini-forets pour percer de minuscules trous… Bref, une boîte à outils de poupée pour défauts microscopiques, invisibles aux yeux d’un Européen. Ainsi est fait le réputé ultra-perfectionnisme nippon, celui d’Oki Sato, 39 ans, designer japonais en vogue, à la tête de l’agence tokyoïte Nendo fondée en 2002. Celle-ci s’installe au Centre d’innovation et de design du Grand-Hornu, en Belgique, avec cette vaste rétrospective – plus de 180 pièces – baptisée « Nendo : Invisible Outlines », soit« Nendo : à grands traits invisibles ».

Le moins que l’on puisse dire est que la scénographie est stupéfiante : elle fait preuve d’un haut degré de précision et de rigueur, certes, mais aussi d’une grande poésie. Graciles, les objets d’Oki Sato semblent tout droit sortis de son carnet d’esquisses. À l’exemple de ces tables Tangle, que l’on peut « enlacer » entre elles grâce à un pied tortillé. Les luminaires, eux, se font aériens : en témoigne la lampe Press, tube de verre simplement pincé, ledit « pincement » permettant justement de maintenir l’ampoule, mais aussi la suspension Inhale pour laquelle, au lieu d’insuffler de l’air à l’intérieur de la bulle de verre en fusion, le souffleur l’aspire. Le designer nippon n’hésite pas à manier l’humour et à distiller le mystère. Un cône en bois scindé en deux se révèle être un chausse-pied rigolo. L’assise du tabouret Float, elle, paraît presque en lévitation, s’appuyant uniquement sur les pieds avant. Idem avec la chaise Twig, dont les accoudoirs et le dossier sont interrompus par endroits. Créées spécialement pour l’occasion, les étonnantes tables en métal Woven arborent, comme leur nom l’indique, une partie tissée, à l’image d’un panier.

Dans le monde de Nendo, il n’y a pas de couleurs, que du noir et blanc : « Il ne s’agit pas d’une histoire de zen ou de minimalisme, explique Oki Sato. Je suis né à Toronto, au Canada, donc j’ai eu une culture des sofas, pas des tatamis. En revanche, j’ai lu et je lis encore beaucoup de mangas. Certes, on en trouve aujourd’hui en couleur, mais à l’origine ils n’étaient qu’en noir et blanc et je trouve que le propos était alors plus percutant. D’où le fait que mes objets soient bicolores. D’ailleurs, s’ils fonctionnent en noir et en blanc, ils peuvent ensuite revêtir n’importe quelle couleur ! »

Prégnance du croquis
La production de Sato colle tant à son dessin qu’elle en reste, parfois, prisonnière. Ainsi des petites tables Border Tables constituées d’une tige métallique surmontée d’un plateau, censées apporter quelque amélioration à un intérieur biscornu. Contribuent-elles à faciliter l’appropriation de l’espace ou, au contraire, la compliquent-elles ? Même interrogation avec les Trace-Containers, rangements dont il a matérialisé dans l’espace, également grâce à des tiges en métal, les mouvements variés des portes. Comme si le croquis technique en deux dimensions avait soudain abandonné la page blanche pour se concrétiser en 3D. Quid, en réalité, de la fonctionnalité dudit mobilier ? On imagine d’ailleurs que ce désir de rendre perceptibles ces « lignes invisibles » doit, parfois, se faire au détriment du confort – n’est qu’à voir le fauteuil Thin Black Lines, fait de stries de métal.

Pas étonnant, en revanche, qu’une collaboration se soit nouée avec la firme de mode Jil Sander, pour laquelle Oki Sato a récemment lancé le projet « Objectextile ». La recherche est originale : le designer a imaginé d’élégants motifs à partir de petites installations logées dans des volumes cubiques qu’il photographie ensuite pour en livrer une vision en deux dimensions. Bref, le monde à l’envers.

Nendo : invisible outlines

Jusqu’au 1er octobre, au Centre d’innovation et de design du Grand-Hornu, rue Sainte-Louise, 82, Hornu, Belgique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°481 du 9 juin 2017, avec le titre suivant : Des objets graphiques signés nendo

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