Architecture

Genèse de la modernité architecturale au japon

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 24 mai 2017 - 627 mots

Deux expositions concomitantes célèbrent l’architecture nippone. Londres explore ses expérimentations d’après-guerre et Paris se concentre sur les constructions de Junzô Sakakura.

LONDRES - Coïncidence de programmation de part et d’autre de la Manche, deux expositions mettent à l’honneur l’architecture nippone. La première, intitulée « The Japanese House : Architecture and Life after 1945 » et déployée au Barbican Centre, à Londres, se penche sur le thème de la maison individuelle au pays du Soleil-Levant après la Seconde Guerre mondiale. La seconde, baptisée « Junzô Sakakura, une architecture pour l’homme » et présentée à la Maison de la culture du Japon, à Paris, focalise sur le parcours d’un maître d’œuvre-disciple de Le Corbusier (lire entretien  ci-contre).
Investissant les deux étages de la galerie d’art, la présentation du Barbican Centre décrypte donc cette thématique de la villa privée après 1945, période durant laquelle Tokyo et les grandes villes dévastées par la guerre ayant un besoin urgent de nouveaux logements, la maison unifamiliale est devenue un lieu essentiel d’expérimentation et de débat, à la fois critique radicale de la société et solution innovante pour changer les modes de vie. Dessins, maquettes, photographies et films évoquent, ici, les œuvres, préservées ou démolies, d’une quarantaine d’architectes ; depuis les stars comme Tadao Ando, Toyo Ito, Sanaa ou Kenzo Tange, jusqu’aux étoiles montantes, dont Hideyuki Nakayama et Chie Konno, en passant par des figures peu connues hors du Japon, tels Osamu Ishiyama, Kazunari Sakamoto ou Kazuo Shinohara.

Maisons expérimentales

Pour planter le décor, des films en noir et blanc de Yasujiro Ozu et Mikio Naruse, spécialistes d’un genre particulier, le Home Drama (en français, le Drame à la maison), exhibent à l’envi des intérieurs nippons des années 1950. Déjà, on perçoit le dilemme, pour ces architectes japonais œuvrant sur le fil du rasoir, entre tradition et influence occidentale – le pays fut occupé sept ans par les Américains. Ainsi en est-il de la maison A, à Tokyo, de Kenzo Tange, lequel, en 1953, grimpe sur pilotis une structure moderniste façon Le Corbusier, tout en s’inspirant de la villa Katsura datant du XVIIe siècle – on peut voir ici des clichés signés Yasuhiro Ishimoto – dont la grille géométrique est en résonance avec l’architecture moderne. Dix ans plus tard, pour une étonnante maison de vacances dans la montagne, près de Nagano, Junzô Yoshimura, « afin de vivre tel un oiseau au sommet d’un arbre », use des codes de la cabane dans les bois, mais la hisse sur un cube de béton. Ainsi fait-il d’une pierre deux coups : inhabitée, la maison est davantage sécurisée et, surtout, elle craint moins l’humidité du sol. En 1981, à Tokyo, Kazuo Shinohara, lui, affiche une « position d’antipathie envers la ville des années 1970 » et plante une maison directement sous une ligne à haute tension, sa forme épousant au millimètre près le périmètre de sécurité autour de ladite ligne électrique. Bref, à la campagne comme à la ville, les expérimentations sont on ne peut plus singulières.

Des lieux de vie ressuscités

Outre des tirages grand format – la Tower House de Takamitsu Azuma –, certains projets font l’objet de splendides maquettes en divers matériaux, en particulier les sept spécimens exhibés dans la salle bleue. Ailleurs, plusieurs extraits de films montrent cette architecture « en action », depuis le clip publicitaire – la Nakagin Capsule Tower de Kisho Kurokawa, à Tokyo – jusqu’à la comédie hilarante, The Crazy Family (1984). La période contemporaine, elle, s’affiche grandeur nature. D’un côté, la Moriyama House, construite en 2005, à Tokyo, par Ryue Nishizawa, a carrément été reconstituée à l’échelle 1. Idem pour l’une des fantasmagoriques maisons de thé que Terunobu Fujimori a l’habitude de percher dans les arbres. Dans l’une, on déambule en un labyrinthe de micropièces, jardins et autres bibliothèques coulissantes. Dans l’autre, extérieur en bois calciné et intérieur en plâtre, on rêve de siroter un thé dans les frondaisons.

La maison japonaise : architecture et vie après 1945

Jusqu’au 25 juin, au Barbican Centre, Silk Street, Londres (Angleterre).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°480 du 26 mai 2017, avec le titre suivant : Genèse de la modernité architecturale au japon

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