Histoire

Rétrovision

1977, Jacques Chirac est le premier maire élu de Paris

Par David Robert · Le Journal des Arts

Le 10 mai 2017 - 875 mots

Il y a tout juste quarante ans que la capitale a un maire. Avant cette date et depuis près d’un siècle, elle était administrée par l’État. En juillet 1789, Jean Sylvain Bailly avait été le premier maire de la Commune de Paris.

MAIRIE DE PARIS - À près de deux cents ans d’écart, la capitale française a connu deux « premiers » maires de paris. Hormis un bref épisode entre 1260 et la fin du XIVe siècle, où le prévôt des marchands de Paris (élu par les bourgeois) obtient de Saint Louis un pouvoir de gestion de la municipalité aux côtés des représentants du roi, il faut attendre la Révolution française et la première Commune de Paris, en juillet 1789, pour qu’un « maire de Paris » soit officiellement élu. Il s’agit de Jean Sylvain Bailly, proclamé maire le 15 juillet par une assemblée composée d’électeurs des districts de Paris et de députés de l’Assemblée nationale fraîchement constituée.

Ce scientifique né en 1736, fils et petit-fils de peintre (son grand-père, Nicolas Bailly, était aussi garde des tableaux de la Couronne), participe à la rédaction du cahier de doléances qui demande la destruction de la Bastille. Premier député du tiers état aux États généraux, protagoniste du serment du Jeu de paume, il devient le président (autoproclamé) de l’Assemblée nationale le 17 juin, une charge qu’il occupe pendant deux semaines, avant de devenir le premier maire de Paris. Le décret qui définit la structure juridique de la capitale n’est pourtant adopté que quelques mois plus tard, en décembre, quand l’Assemblée constituante régit l’organisation de toutes les communes de France (art. 25) : « La ville de Paris sera gouvernée par un règlement particulier, qui sera donné par l’Assemblée nationale [constituante], sur les mêmes bases et d’après les mêmes principes que le règlement général de toutes les municipalités du royaume ». Jean Sylvain Bailly restera à la tête de la capitale durant deux ans, avant d’être guillotiné en novembre 1793, après avoir refusé de témoigner à charge au procès de Marie-Antoinette.

Bailly et Louis XVI
Deux scènes historiques marquent le mandat de Jean Sylvain Bailly. La première a lieu le 17 juillet 1789, deux jours après son élection. Le maire accueille Louis XVI sur le parvis de l’Hôtel de Ville pour lui offrir la cocarde tricolore, moment clé de la coexistence des pouvoirs issus de la Révolution et de la monarchie. L’épisode est ainsi raconté dans une notice du Musée Carnavalet : « Pour franchir le seuil de l’Hôtel de Ville, où l’attendait encore un trône royal, le roi dut passer sous une voûte d’acier faite des épées des membres de la nouvelle municipalité […] Bailly remit les clés de la Maison communale au roi en lui disant : “Sire, Henri IV avait reconquis son peuple ; ici c’est le peuple qui a reconquis son roi.” Le roi fixa alors sur lui la cocarde tricolore en signe d’union des couleurs royales et parisiennes. » Cette scène est retranscrite par plusieurs artistes, dont le peintre Jean Paul Laurens [ill. ci-dessus], un siècle plus tard, au cours des premières années de la IIIe République. La peinture figure aujourd’hui dans les salons de l’Hôtel de Ville.

Le second épisode clé est la fusillade du Champ-de-Mars, en juillet 1791, durant laquelle Bailly, qui a laissé la Garde nationale tirer sur la foule, est accusé de trahison et poussé à la démission. Les sept successeurs de Bailly entre 1791 et 1795 seront tous objets de méfiance du pouvoir national. Pour les députés girondins puis montagnards, la Mairie est le dangereux creuset des velléités révolutionnaires des Parisiens. Le Directoire met fin à l’élection du maire en 1795, revenant au principe des douze arrondissements administrés indépendamment.

S’il faut attendre 1977 pour qu’ait lieu à nouveau une élection municipale, quatre maires sont cependant nommés dans l’intervalle par les gouvernements républicains. Lors de la IIe République, en 1848, Louis Antoine Garnier-Pagès est maire durant une dizaine de jours. Armand Marrast lui succède pour quatre mois, jusqu’aux journées de juin. Aux débuts de la IIIe République, après la longue mandature du préfet Haussmann, Étienne Arago redonne vie au poste l’espace de deux mois, puis est remplacé par Jules Ferry, jusqu’à la Commune de Paris.

L’Hôtel de Ville de Paris a toujours été un pouvoir local particulier, antichambre des destins nationaux lors des trois premières Républiques. Pourtant, selon ses proches, Jacques Chirac ne semblait pas en avoir conscience, un an avant de se présenter aux élections municipales, contre Michel D’Ornano, le fidèle giscardien. Clin d’œil involontaire à la culture familiale de Bailly, Chirac aurait confié au président en août 1976, à l’heure de démissionner de Matignon : « Je ne sais pas encore ce que je vais faire. J’hésite encore entre plusieurs possibilités. L’une serait d’ouvrir une galerie de peinture. Je me suis toujours intéressé à la peinture. » (1) C’est pourtant sous son gouvernement que le Parlement approuve la réforme du statut de la capitale en 1975.

Comme l’épisode de la cocarde sur le parvis de l’Hôtel de Ville pour Louis XVI, l’élection de Jacques Chirac contre D’Ornano à la Mairie de Paris le 25 mars 1977 représente pour le président Valéry Giscard d’Estaing un tournant. Quatre ans plus tard, les deux hommes seront concurrents au premier tour de l’élection présidentielle qui marque la fin de la carrière politique de VGE. Un président qui aimait rappeler que sa famille descendait de Louis XV.

(1) Chirac, les combats d’une vie, P. Girard, Archipel, 2011

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°479 du 12 mai 2017, avec le titre suivant : 1977, Jacques Chirac est le premier maire élu de Paris

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