Rennaissance

Sebastiano, ou le coloriste de Michel-Ange

Par Vincent Noce · Le Journal des Arts

Le 10 mai 2017 - 534 mots

Au-delà de la collaboration entre les deux artistes, la National Gallery laisse découvrir d’étonnantes œuvres tardives du peintre venu de Venise.

LONDRES -  S’il est une originalité à cette exposition, elle peut se trouver dans la place importante qui y est faite aux copies. Significativement, elle a suscité peu de réactions. La National Gallery a jugé que c’était le prix à payer pour évoquer la relation professionnelle et amicale qui s’est nouée à la Renaissance entre deux artistes dont les œuvres sont peu disponibles. Plusieurs points de rencontre entre Michel-Ange (1475-1564) et Sebastiano (1485-1547) sont ainsi des fac-similés. Après un tondo de Michel-Ange, habituellement visible à la Royal Academy (Londres), le visiteur découvre des moulages en plâtre de sa Pietà de la basilique Saint-Pierre (Rome) et du nu musculeux de son Christ ressuscité. L’exposition rapproche ce dernier d’une version antérieure que l’artiste avait abandonnée, dépité de découvrir dans le marbre une veine à l’endroit où il prévoyait de tailler le visage. Se trouve aussi une reconstitution, d’un rendu étonnant, de la chapelle commandée par le banquier florentin Pierfrancesco Borgherini pour l’église San Pietro in Montorio (Rome).

Sebastiano, moins lyrique

Sebastiano Luciani a connu Michel-Ange à Rome en 1511, alors que celui-ci travaillait au plafond de la chapelle Sixtine. Ce fut une révélation pour ce peintre, surnommé « Viniziano », car il avait fait ses classes auprès de Bellini et de Giorgione. Il allait gagner le nom de « Sebastiano del Piombo » (litt. « du plomb ») en devenant le garde des sceaux du pape, auquel il est resté fidèle lors du siège du Castel Sant’Angelo. Michel-Ange, dont l’autorité était alors défiée par Raphaël, a vite compris le parti à tirer d’un allié aussi doué, dont les portraits lui ouvraient les portes des princes de l’Église. Il lui fournit des études de figure pour ses compositions, à commencer par la Pietà de Viterbo. L’atmosphère nocturne nimbant cette Vierge, sa Salomé ou le rose du manteau du Christ dans La Résurrection de Lazare témoignent du talent de coloriste que Sebastiano avait rapporté de Venise. Destinée à la cathédrale de Narbonne (en fait, elle est devenue la première œuvre inscrite dans la collection de la National Gallery), La Résurrection valut une certaine notoriété aux deux artistes. Sebastiano (qui ne dédaignait pas, au besoin, de regarder du côté de Raphaël) sut animer d’un chromatisme harmonieux une foule de portraits, dont il cernait distinctement les silhouettes. Pour la chapelle Borgherini, il eut recours à un procédé de peinture murale à l’huile qui a beaucoup fait pour sa réputation. Les mérites comparés de cette technique auraient été à la source, une décennie plus tard, d’une brouille entre les deux amis, mais on n’a jamais su quelle était la cause réelle de leur séparation.

C’est dans la confrontation des dessins, et notamment d’une série d’études de Michel-Ange pour La Résurrection, que l’on retrouve ce contraste entre le souffle de l’un et l’application de l’autre. Hésitant devant les envolées lyriques de son aîné, Sebastiano tend à retrancher. La dernière salle présente des fragments d’une de ses dernières œuvres, La Visitation de l’église Santa Maria della Pace (Rome), dont la gravité est conférée par des figures stylisées qui semblent annoncer le Poussin du Massacre des innocents.

Michelangelo & Sebastiano
Jusqu’au 25 juin, The National Gallery, Trafalgar Square, Londres.

Légende Photo
Sebastiano del Piombo, La Sainte Famille avec saint Jean-Baptiste, dite La Madonna del Velo, vers 1525, huile sur peuplier, 120,5 x 92,5 cm, Musée de l'archidiocèse d'Olomouc. © Photo : Archdiocesan Museum Olomouc/Markéta Ondrusková.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°479 du 12 mai 2017, avec le titre suivant : Sebastiano, ou le coloriste de Michel-Ange

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