Art contemporain

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Les fantômes d’Ulla von Brandenburg

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 27 avril 2017 - 495 mots

À travers des sculptures textiles et des étoffes qui s’animent, l’artiste dévoile les rituels et les codes sociaux.

PARIS - Ulla von Brandenburg n’est pas une perdrix de l’année : pour ne donner qu’un exemple, elle était l’une des quatre artistes nommés pour le prix Marcel Duchamp 2016 (décerné à Kader Attia) et en conséquence exposée au Centre Pompidou l’automne dernier. Pourtant, elle n’est pas très connue en France. Cette quatrième exposition chez Art : Concept – et la première depuis que la galerie s’est installée dans le quartier du Marais en septembre 2015 – est donc l’occasion de comprendre le travail de l’artiste, née en 1974 à Karlsruhe (elle vit et travaille dans la Marne). Elle regroupe plusieurs types d’œuvres apparemment disparates, mais qui au final cristallisent bien ses préoccupations.

Dès l’entrée, un premier groupe est composé de trois tissus accrochés comme des toiles et complétés, l’un d’un petit fagot de bois au sol, l’autre d’un « capteur de rêves » fait de branches de bois suspendues, le troisième d’une boîte pleine de clous colorés. En regardant plus attentivement les tissus, on s’aperçoit que malgré leur planéité, ils semblent, tels des linceuls, garder l’empreinte et le volume d’une présence humaine cachée derrière eux. À juste titre, puisqu’ils ont été délavés à l’eau de javel après avoir été placés sur des corps assis (on devine les genoux) ou debouts (on discerne parfaitement la silhouette).

Cette idée du fantôme rôde également dans une série d’aquarelles sur gesso (une sorte de plâtre moins poreux) et bois. Ulla von Brandenburg figure là de belle manière des personnages vaguement masqués par des coulures de couleurs très sixties, comme derrière un rideau de scène. Le terme leur va bien, puisqu’il s’agit de comédiens du passé. L’idée se poursuit au centre de la galerie avec Two Times Seven, une sculpture-installation composée de tissus de différentes tailles, avec là encore un bel effet chromatique, posés sur des cannes à pêche, comme sur un fil. Et cette fois, c’est au sol qu’il faut regarder pour découvrir non pas leur ombre, ni leur déteinte, mais leur double, leur déclinaison en tâches abstraites. Des tissus, à nouveau, robes et voiles sont les personnages principaux d’un film (l’un de ses précédents s’appelle Ghost…), avec en voix off celle de l’artiste. Bel exemple encore de l’expression de ces thèmes qui dominent toute son œuvre, de la présence-absence, de l’arrière-plan, du mystère, de l’ectoplasme, de la fausse apparence et du faux-semblant, de la perception d’une image et en conséquence, de questions posées à une société de consommation et de tentatives de réponses empruntant les chemins de l’alternative. Derrière ces tissus, ce sont bien aussi les codes sociaux et les rituels qu’Ulla von Brandeburg interroge, soulève, dévoile, épingle.

Les prix des œuvres vont de 12 000 euros pour les aquarelles à 22 000 euros pour les grands tissus : une cote assez juste pour une artiste au marché international, qui a une galerie en Allemagne et une autre en Angleterre et qui a participé à de nombreuses biennales et manifestations dans le monde.

Ulla von Brandenburg, Two times seven

Jusqu’au 13 mai, Galerie Art : concept, 4 passage Sainte-Avoie (8 rue Rambuteau), 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°478 du 28 avril 2017, avec le titre suivant : Les fantômes d’Ulla von Brandenburg

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