XIXe siècle

Dissonances à Giverny

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 26 avril 2017 - 458 mots

Sur un sujet passionnant, l’exposition montrant les liens entre musique et peinture de 1860 à 1910 souffre de quelques couacs.

GIVERNY - « Le titre n’est pas de moi », se défausse d’entrée Belinda Thomson, co-commissaire de l’exposition « Tintamarre ! » : il est de Frédéric Frank, directeur général du Musée des impressionnismes Giverny et co-commissaire. Cette anglophone d’origine sait bien que « la note de joie et d’enthousiasme que [voulue] évoquée dans cette exposition » n’est pas exactement induite par le substantif choisi. « C’est un mot qui donne l’idée d’un bruit joyeux », reprend la confraternelle historienne de l’art. Pourtant le Dictionnaire de l’Académie française définit le tintamarre comme un « bruit discordant, accompagné de confusion et de désordre ».

Lapsus révélateur du mélomane, soucieux de montrer la modernité musicale des années 1860 à 1910 ? L’exposition n’est pas exempte de maladresses, même si sa visite réserve de belles surprises. Après une ouverture brillante sur Nature morte. Guitare et chapeau (1862) de Manet, la première salle est consacrée aux « Divertissements musicaux ». On y découvre un pot-pourri allant des fanfares aux musiciens de rue en passant par le music-hall, le bal mondain ou encore l’opéra. Mais que viennent faire ici les tragiques Saltimbanques (1874) de Gustave Doré, montrant un couple d’artistes de cirque assistant à l’agonie de son enfant tombé du fil de fer ? Certes, un cornet à pistons, un tambourin et un tambour font partie de la scène, mais le silence s’est installé, définitivement. Et où est la musique du peuple et des petits-bourgeois, celle de L’Après-dînée à Ornans ? Le tableau de Gustave Courbet précède d’une dizaine d’années la période choisie, mais le portraitiste d’Hector Berlioz – dont l’Autoportrait en violoncelliste et le Guitarrero sont mentionnés dans le catalogue – n’aurait-il pas mérité de figurer ici ? Car, dès la salle suivante, le visiteur passe au « Salon » où l’on donne la part belle à la musique pratiquée dans les classes aisées et même par les professionnels en répétition. Salle de chefs-d’œuvre, au demeurant, où l’on peut voir Au piano (1858-1859) de Whistler, La Mandoline (1889) de Morisot, le Portrait de Catherine Vlasto (1897) de Sargent et Tipperary (1914) de Sickert.

Avec la salle « Ailleurs musical » reviennent les approximations. Idéal pastoral et folklore ont leur place ici, nous dit-on. Mais pourquoi quatre portraits de Darío de Regoyos à la guitare, dont deux par Théo Van Rysselberghe ? Pourquoi faire figurer ici les sinistres – bien qu’importants pour la carrière de Picasso – Mendiants espagnols d’Émile Bernard ? Ni bucoliques, ni folkloriques, ils auraient pu prendre place, à la rigueur, auprès des musiciens de rue de la première salle.
Consacrée aux relations entre la scène musicale et le monde artistique, la fin de l’exposition, et notamment la section graphique, donne envie de s’informer davantage. Au-delà des cartels détaillés, très informatifs, il faut pour cela se référer à l’excellent catalogue.

Tintamarre !
Jusqu’au 2 juillet, Musée des impressionnismes Giverny, 99 rue Claude Monet, 27620 Giverny.

Légende Photo
Berthe Morisot, La mandoline, 1889, huile sur toile, 55 x 57 cm, collection particulière. © Photo : André Morin.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°478 du 28 avril 2017, avec le titre suivant : Dissonances à Giverny

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