Archéologie

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Uzès redécouvre son passé

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 26 avril 2017 - 754 mots

Au hasard d’une fouille préventive, l’Institut national de recherches archéologiques a mis à jour les vestiges du centre de la ville romaine d’Uzès, jusqu’alors inconnue, découvrant une exceptionnelle mosaïque.

UZÈS - La ville d’Uzès est en effervescence. Surnommée « le premier duché de France » du fait de l’élévation du duc d’Uzès par Charles IX au XVIe siècle et fière de son histoire, la ville fait l’objet d’une découverte majeure. Depuis les années 1970, le centre historique bénéficie d’un secteur sauvegardé, protégeant les édifices bâtis depuis le XIe siècle et témoins de l’essor commercial de cette cité construite sur les hauteurs des sources d’Eure, qui alimentent le Pont du Gard. Ville d’art et d’histoire, son centre historique a été épargné par les grands projets d’urbanisme. Depuis longtemps, les chercheurs et historiens connaissent par quelques inscriptions l’existence de la ville gallo-romaine d’Ucetia, sans pour autant en avoir retrouvé des traces archéologiques. Il était acquis que la ville médiévale s’était construite sur les vestiges de la ville romaine. Or une découverte fortuite vient aujourd’hui remettre en cause ce postulat et replacer la ville romaine plus au nord du centre-ville. Surtout, les périodes d’occupation décelées pourraient remettre en cause la chronologie de l’organisation romaine de la région.

Un chantier de 4 000 m2 et 1,5 million d’euros
En 2013, lorsque la région Occitanie achète une parcelle de terrain entre deux lycées pour mutualiser un internat et un réfectoire, un diagnostic archéologique est réalisé par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). « Le contexte n’était pas favorable : peu de choses connues, peu d’éléments d’appréciations et de comparaisons. Nous n’étions pas forcément dans l’attente de découvertes importantes », témoigne Marc Célié, directeur adjoint scientifique et technique pour le Gard à l’Inrap. « Tout de suite pourtant, nous tombons sur des vestiges de grande qualité, et surtout, une présence romaine comparable à celle de Nîmes. » La région et l’État conviennent alors  de la nécessité de conduire des fouilles. Depuis octobre 2016, une vaste opération est donc menée sur 4 000 m2 de terrain, occupant une vingtaine de personnes sur onze mois pour un budget de 1,5 million d’euros porté par la région Occitanie Pyrénées-Méditerranée. « C’est un chantier découpé en quatre zones distinctes, avec une gymnastique imposée pour ne pas sortir la terre du terrain », explique Philippe Cayn, archéologue en charge du chantier. Une première zone a été entièrement fouillée à l’automne et à nouveau enfouie sous la terre. « C’est un site densément occupé entre le Ier siècle avant J.-C. et le VIIe siècle après. Au Ier siècle avant J.-C., on observe un comportement opportuniste d’installation, qui fonde les grandes lignes directrices des constructions », détaille Philippe Cayn. Une mosaïque aux dauphins dans une domus du Haut-Empire de 500 m2, la présence d’une carrière, les plans partiels de plusieurs maisons et trois rues ont été retrouvés. Certaines pièces comportent des aménagements remarquables : une sole de four à pain, une chaufferie (hypocauste), des colonnes et chapiteaux, témoins de la complexité de l’urbanisme.

Point d’orgue des découvertes du site, une grande mosaïque de 60 m2 dans un vaste bâtiment de 250 m2 a été mise à jour par les équipes de l’Inrap. Une colonnade, dont les éléments ont été réemployés dans un autre secteur ouvre sur l’espace au pavement mosaïqué complexe : « ce sont des indices qui tendent à prouver que l’on est dans un bâtiment public », explique avec prudence l’archéologue. Deux éléments du pavement sont ornés de motifs géométriques qui encadrent des médaillons centraux en couronnes, rayons et chevrons. Un des médaillons est entouré de quatre animaux polychromes : hibou, canard, aigle et faon. « Pour l’instant, nous n’avons que des pistes de réflexion pour expliquer ce rassemblement » animalier. Une signature cachée, en tesselles blanches sur fond blanc, évoque en grec un prénom gaulois latinisé. « Ce bâtiment recèle plusieurs éléments très singuliers », selon Philippe Cayn. Le rapport de fouilles, attendu d’ici 2019, pourrait répondre à certaines des questions soulevées par les découvertes. Début avril, la mosaïque a été déposée pour être étudiée dans les locaux de l’Inrap (lire encadré ci-contre).

« Cette mosaïque est exceptionnelle, explique Marc Célié, sa chronologie est très importante : datée de la deuxième moitié du Ier siècle avant J.-C., elle pourrait remettre en cause ce que l’on sait des campagnes d’organisation de la région à l’époque romaine (...) Nous n’avons pas de mosaïque équivalente en surface à Nîmes sur cette période, pourtant la capitale de la région, et c’est la première fouille menée à Uzès ! » Pour le directeur adjoint, il y a peut-être plus à trouver sur les hauteurs d’Uzès. « Le centre-ville est là, pas dans le cœur médiéval, on peut espérer en savoir plus sur le rôle d’Uzès, avec sa proximité avec le Pont du Gard. »

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°478 du 28 avril 2017, avec le titre suivant : Uzès redécouvre son passé

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