Justice - Vandalisme

Le procès du vandalisme

Quatre mois de prison avec sursis requis pour avoir endommagé une œuvre de Serrano

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 29 mars 2017 - 306 mots

AVIGNON - La justice pénale est parfois confrontée à la destruction volontaire ou clamée involontaire, partielle ou totale, d’œuvres exposées au public.

Trois décisions célèbres ont mis en avant depuis les années 1990 la résonance possible entre une démarche artistique proclamée et l’atteinte au bien d’autrui. Pour s’être soulagé puis avoir donné un coup de marteau en mai 1993 dans une réédition de la sculpture Fountain de Marcel Duchamp lors de son exposition au Carré d’art à Nîmes, Pierre Pinoncelli fut condamné à un mois de prison avec sursis le 26 août 1993. Briseur récidiviste d’une des icônes de l’art contemporain, le performeur écopa en 2007 de trois mois avec sursis, assortis de deux ans de mise à l’épreuve après avoir entaillé à nouveau une réédition de la sculpture en 2006 au Centre Pompidou, peine confirmée en appel. Rindy Sam fut, elle, condamnée à 100 heures de travail d’intérêt général en 2007 pour avoir déposé par un baiser une trace de rouge à lèvres sur une toile immaculée de Cy Twombly, exposée à la Collection Lambert en Avignon.

Le droit pénal n’est pas comptable d’une comparaison entre ces affaires, mais l’élément intentionnel y joue un rôle fondamental. La dégradation en 2011 à coups de marteau des photographies Immersion (Piss Christ) et Sœur Jeanne Myriam de l’artiste américain Andres Serrano, également présentées à la Collection Lambert, ne relevait nullement d’une démarche artistique. Les deux prévenus, anciens sympathisants autoproclamés du Renouveau français (mouvement politique d’extrême droite et d’un catholicisme très conservateur), ont reconnu avoir voulu endommager les œuvres en raison de leur caractère blasphématoire ressenti. Le procureur du tribunal correctionnel d’Avignon a requis quatre mois de prison avec sursis contre l’un des prévenus et une peine d’amende de 4 800 euros contre l’autre – plus que le prix d’un baiser tout de même. Décision attendue le 15 mai.

Légende photo

Andres Serrano, Piss Christ, 1987, photographie © photo Collection Lambert.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°476 du 31 mars 2017, avec le titre suivant : Le procès du vandalisme

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