Foire & Salon

Tableaux anciens, un rendez-vous incontournable

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 28 février 2017 - 1255 mots

Tant par le nombre de tableaux anciens présentés que par leur qualité, Maastricht s’est imposée comme la foire de référence, surpassée jusqu’ici par aucune autre.

Tefaf demeure la foire incontournable pour la peinture ancienne. « En aucun endroit au monde, il n’y a une telle concentration de tableaux anciens d’une telle qualité », souligne Bob Haboldt, marchand à Paris. Les conservateurs des plus grands musées savent qu’ils auront une chance de trouver l’œuvre qui manque à leurs collections et n’hésitent pas à faire le déplacement. Les marchands, quant à eux, conservent leurs plus belles pièces pour Maastricht.

Culte du secret oblige, il n’est pas aisé de se faire une idée réelle de ce qui sera proposé avant l’ouverture du salon car beaucoup d’exposants gardent leur pépite pour le jour J. D’autres achètent encore la veille, tandis que des tableaux sont toujours en restauration. L’année dernière, tous les regards s’étaient tournés vers le stand de la galerie française Talabardon & Gautier qui exposait L’Odorat, vers 1625, une œuvre de jeunesse de Rembrandt acquise par le milliardaire américain Thomas S. Kaplan (voir portrait dans le JdA no 472) entre 3 et 4 millions d’euros. Rembrandt reste la star incontestée de Maastricht puisque déjà, à deux reprises, le marchand new-yorkais Otto Naumann avait créé la surprise, en 2011 avec Portrait d’homme mains sur les hanches, 1658 (41 millions d’euros) et en 2002, avec Minerve (35 millions d’euros). Mais le suspens reste entier pour cette édition 2017.

Une participation constante
En tout, 59 marchands sont venus défendre la discipline contre 58 l’an passé. Comme à l’accoutumée, sept marchands français participent à l’événement contre vingt anglais et huit néerlandais. Trois marchands ne sont pas revenus, tels Jean-François Heim pour raisons personnelles et la galerie Sanct Lucas. Quant à Otto Naumann, il n’est pas non plus de la partie, alors qu’il était présent à Tefaf New York en octobre dernier : « Je suis épuisé d’exposer à Maastricht depuis tant d’années. Les stands n’ont pas changé depuis une décennie. Je suis agacé par le manque de restaurants et les prix exorbitants pratiqués par les hôtels pendant la foire. Si un jour Tefaf déménage à Amsterdam, mieux desservie, je reviendrai. » En remplacement de ces absences, The Matthiesen Gallery (Londres) est revenue et Salomon & C (Italie) a fait son entrée. Deux autres marchands, Sam Fogg (Londres) et la galerie italienne Antonacci Lapiccirella viennent respectivement des sections Tefaf Antiques et Works on paper.

Plus que jamais, les marchands sont confrontés à la raréfaction des œuvres. Ils sont alors contraints de trouver des parades, comme miser sur des œuvres très décoratives, des seconds couteaux ou encore des artistes plus récents. Mais l’offre reste très diversifiée, avec des paysages, des portraits, des scènes religieuses ou historiques, sans oublier les natures mortes. Colnaghi en expose notamment deux, remarquables, de l’artiste espagnol du XVIIe Juan Van der Hamen y Léon.
Si la peinture du Nord constitue historiquement la colonne vertébrale de la foire, depuis plusieurs années, la peinture italienne est de plus en plus présente. « Dans les dernières ventes, il y avait davantage de peinture italienne. Elle a le vent en poupe », commente Nicolas Joly, expert en tableaux anciens. Sur le stand de la galerie Canesso, on peut admirer par exemple deux tableaux ovales de Batoni, Cérès et Bacchus, XVIIIe siècle (380 000 €). Carlo Orsi montre Hercule et Omphale, de Gaetano Gandolfi, XVIIIe ainsi que Le Concert, d’Alessandro Magnasco ; Rob Smeets (Suisse) dévoile une huile sur marbre d’Antonio Tempesta, Les Israelites attaquant les Amalécites et David et Goliath, XVIIe, de Francesco Lupicini quand French & Compagny (USA) expose une Nature morte avec un tapis turc, de Francesco Noletti (1650). Surprenante, une œuvre du maître italien baroque Annibal Carrache est à découvrir chez Tomasso Brothers, Portrait d’une femme africaine tenant une pendule, vers 1585 (autour de 1 millions d’euros). Elle a appartenu au roi Philippe V d’Espagne. Quant à la Matthiesen Gallery, elle dévoile un tableau de Dosso Dossi, Jupiter et Sémélé, XVIe (au-delà du million d’euros).

La peinture nordique, grande favorite
Du côté de la peinture hollandaise et flamande, Richard Green (Londres) expose un tondo de Brueghel le Jeune, Le gros paysan et le colporteur ainsi que Paysans jouant aux quilles devant une auberge, vers 1640, de David Teniers Le Jeune ; Bob Haboldt montre Paysage d’hiver avec des patineurs, 1625, de Droochsloot (245 000 €) ; Bijl-Van Urk (Pays-Bas) présente plusieurs Ruisdael, dont un paysage d’hiver, après 1670 (600 000 €). David Koetser montre Paysans jouant à un jeu de balle dans un paysage, par Jan Steen, XVIIe ; Salomon Lilian (Pays-Bas) expose Héraclite et Démocrite de l’artiste peu connu Jan Woutersz Stap, XVIe, une œuvre qui a appartenu à George Wildenstein. Douwnes (Pays-Bas) présente La découverte de la coupe dans le sac de Benjamin, vers 1594, par Cornelis Van Haarlem « l’un des peintres maniéristes les plus importants des Pays-Bas », souligne la galerie. Plusieurs marchands qui exposent traditionnellement de la peinture italienne montrent des œuvres nordiques. C’est le cas de la galerie Canesso avec Autoportrait au turban, de Wallerant Vaillant, XVIIe ou de Carlo Corsi avec une paire de tableaux de Maerten De Vos, l’Annonciation et l’Adoration des rois mages, issue de la collection de Frédéric II, roi du Danemark.
Dans de moindres proportions, la peinture française est aussi présente. Didier Aaron met en avant une Vierge à l’Enfant avec saint Jean-Baptiste et saint François, de Jacques Stella, vers 1635 ; Stair Sainty (Londres) propose une scène d’intérieur, XVIIIe, de Gabriel de Saint-Aubin, davantage connu pour ses dessins ; David Tunick (USA) expose Trois têtes de soldats romains, de François Boucher, vers 1755 tandis qu’Éric Coatalem présente le Portrait de Madame Augustine Bertin de Veaux, 1809, par Girodet-Trioson.

La section des tableaux anciens comporte de plus en plus d’œuvres du XIXe : « Cette évolution existe depuis plusieurs années et se confirme. C’est un glissement vers un côté plus plaisant et commercial de la peinture », précise Nicolas Joly. Un enfant et sa mère dans un hamac, de Courbet, est visible chez Patrick Matthiesen (autour de 600 000 €) ; L’Hommage à Raphaël, vers 1825, de Philippe-Jacques Van Brée, est dévoilé chez Aaron, tandis que Bob Albricht persiste avec La nouvelle église et les vieilles maisons de La Hague, 1883, une œuvre de jeunesse de Van Gogh déjà montrée à Tefaf New York cet automne.

De moins en moins de surprises

Aujourd’hui, les marchands de tableaux anciens se heurtent à de multiples difficultés. D’abord, plusieurs tableaux exposés l’étaient déjà à Tefaf l’an dernier ou sur d’autres salons. Cela montre que le marchand n’a pu s’en dessaisir et parfois depuis plusieurs années. Mais si l’œuvre ne se vend pas, c’est aussi sûrement qu’elle a été trop vue. « Ce n’est pas parce que l’on change de pays que l’œuvre est inconnue. Les amateurs voyagent de foire en foire et ce sont toujours les mêmes », lance un connaisseur. Par ailleurs, de nombreux tableaux exposés ont subi récemment le feu des enchères. Difficile alors de surprendre le public avec des œuvres totalement fraîches et inédites. À l’heure d’Internet et des sites qui compulsent les prix d’adjudication, beaucoup d’œuvres sont connues. Quelle solution alors pour les marchands, compte tenu de la raréfaction grandissante des œuvres ? Les collections privées ? Elles aussi s’amenuisent. « Il faut simplement accepter que la donne ait changé et ne plus être choqué de revoir des œuvres déjà vues. Un marchand ne peut pas renouveler son stock à 100 % à chaque fois », rapporte un professionnel.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°474 du 3 mars 2017, avec le titre suivant : Tableaux anciens, un rendez-vous incontournable

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