Nature

Aux cimes de la photographie

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 28 février 2017 - 633 mots

Avec l’invention de la photographie, la représentation des paysages de montagne a gagné de multiples points de vue. Une réflexion passionnante sur l’évolution des pratiques.

LAUSANNE - La photographie de paysage abonde en écrits et expositions analytiques sur le genre, son histoire, son évolution. Curieusement la photographie de montagne y a échappé. Daniel Girardin, pour sa dernière exposition au Musée de l’Élysée après trente années passées en son sein, ouvre une première voie aussi riche en enseignements et plaisante que précise dans son approche des cimes alpines. Le propos de Daniel Girardin n’est pas de déployer une histoire chronologique de la photographie de montagne, mais de mettre à jour les différentes stratégies formelles et techniques adoptées par les photographes pour retranscrire ces paysages monumentaux et grandioses longtemps inconnus.

« La photographie de montagne est contemporaine de sa découverte, de sa conquête et de l’alpinisme. Elle ne peut être dissociée des difficultés et dangerosités multiples auxquelles la montagne expose, rappelle Daniel Girardin. Dès le début les défis esthétiques et artistiques se sont doublés de défis techniques (lourdeur et fragilité du matériel, lumière trop intense) induisant des qualités physiques et morales élevées. Rien n’est plus difficile que de photographier un sommet à partir de son point ultime. Une vraie gageure, d’où souvent les prises de vue en contre-plongée. La montagne impose ses formes et son esthétique. »

Frontale, verticale, horizontale, aérien ou distant, chaque type de prise de vue a engendré de fait des points de vue spécifiques que Daniel Girardin répertorie, avant de se focaliser dans un deuxième temps sur différents traitements visuels plus spécifiques, liés aux panoramiques, au cône des sommets, aux roches de la montagne ou au Cervin, silhouette légendaire et emblématique de ces latitudes du Léman. Un inventaire des approches photographiques aux travers de près de 180 années de production d’images qu’il est parfois difficile à suivre en fin de parcours tant le nombre de sections est élevé. L’étendue du propos développé sur les trois niveaux du musée et le nombre important de pièces demande de tenir la longueur.

Une nouvelle approche grâce au numérique
Avec le numérique, le mélange pour chaque typologie de photographies – anciennes, modernes ou contemporaines – souligne l’évolution de la représentation et le renouvellement du genre, comme une réappropriation du sujet par une nouvelle génération de photographes. En témoignent les travaux de Corinne Vionnet, Pierre Vallet sur le Cervin ou de Matthieu Gafsou, Iris Hutegger, Jean Otth ou Jacques Pugin sur la fonte des glaciers, empreints d’une autre culture que leurs aînés et d’approches esthétiques bien différentes car portées par des préoccupations environnementales.

Dans le catalogue, le photographe Maurice Schobinger aborde ces aspects. Il témoigne de la révolution du numérique qui a allégé le poids des appareils, mais aussi résolu bien des problèmes causés par le grand froid et permis de donner un « luxe de détails » inédit, au point de rendre palpable le vertige des flancs abrupts enneigés, comme sa photographie de la face nord-est du Lenzspitze (4 294 mètres d’altitude), extraite de son dernier ouvrage Face à Face, consacré aux différentes parois mythiques des Alpes (par ailleurs choisie pour l’affiche de l’exposition). Cette photographie compte aussi au nombre des dernières acquisitions de l’institution, au même titre que le très rare Alpine Portfolio d’Oscar Eckenstein et August Lorria de 1889. Depuis trente ans, et sous l’impulsion de Daniel Girardin, le musée a constitué à partir de sa création en 1985 et du fonds iconographique du canton de Vaud déposé en ses murs, une importante collection de près de 4 000 tirages sur laquelle s’appuie la majeure partie de l’exposition, qui compte également des prêts exceptionnels.

Sans limite. Photographies de montagne

Commissaire : Daniel Girardin
Nombre d’œuvres : 300 tirages

Légende Photo

Corinne Vionnet, Matterhorn, 2006, de la série « Photo Opportunities », Musée de l'Elysée, Lausanne. © Corinne Vionnet.

Sans limite. Photographies de montagne

Jusqu’au 30 avril 2017, Musée de l’Élysée, 18 avenue de L’Élysée, Lausanne (Suisse), tél. 41 21 316 99 11, www.elysee.ch, ouvert mardi-dimanche 11h-18h. Entrée 8 FCH (7,50 €). Catalogue, coédition Musée de l’Élysée Lausanne-Éditions Noir sur Blanc, 250 p., (50 CHF) 42 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°474 du 3 mars 2017, avec le titre suivant : Aux cimes de la photographie

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