Ouverture

Tornabuoni Art investit le Marais

À l’occasion de son déménagement dans le Passage de Retz, la galerie italienne crée l’événement avec une rétrospective muséale consacrée à Alighiero Boetti.

Par Stéphane Renault · Le Journal des Arts

Le 18 janvier 2017 - 785 mots

Michele Casamonti inaugure le nouvel espace de la galerie Tornabuoni dans le Marais avec une exposition muséale sur Boetti.

PARIS - Chi va piano, va sano e va lontano. Nouvelle étape pour la galerie spécialisée dans l’art italien de l’après-guerre. Depuis sa fondation en 1981 par Roberto Casamonti sur les bords de l’Arno, puis dans ses espaces de Crans-Montana (Suisse), Milan, Forte dei Marmi (Italie), Paris en 2009, Londres en 2015, la famille florentine n’a pas uniquement œuvré à la reconnaissance – et à la cote – d’artistes transalpins majeurs : Fontana, Burri, Manzoni, Rotella, pour ne citer qu’eux. On lui doit d’avoir porté sur le devant de la scène internationale des créateurs qui ne furent pas toujours dans la lumière hors de la Botte, à l’instar de Biasi, Ceroli, Castellani, Bonalumi, Dadamaino ou Scheggi. En investissant les quelque 720 mètres carrés sis dans l’hôtel particulier du XVIIe siècle qui accueillit Madame de Sévigné en 1651, Tornabuoni Art voit toujours plus grand. Contrainte de quitter l’adresse prestigieuse de l’avenue Matignon qu’elle occupait depuis son installation parisienne, la galerie prévoit d’y retourner une fois les travaux de l’immeuble achevés, d’ici à 2020. « Pour du provisoire, c’est du long terme ! Nous déménageons pour des raisons techniques mais c’est pour nous l’opportunité de nous installer dans le Marais, un pôle central pour les galeries », avance Michele Casamonti, fils du fondateur, sémillant docteur en philosophie, déjà à l’initiative de l’ouverture de la galerie située à deux pas d’un hôtel Bristol apprécié des collectionneurs. « Changer de quartier ne signifie pas changer notre activité. Notre clientèle est internationale, nous conserverons la même programmation. En revanche, ce nouvel espace nous permettra de montrer plus et surtout mieux ! » De fait, les vastes salles d’exposition du Passage de Retz ouvrent des perspectives – au sens propre comme au figuré. « Cet espace m’a toujours séduit. Il présente un potentiel énorme, quatre fois plus grand que ma galerie avenue Matignon. Il se prête au développement de rétrospectives, d’expositions muséales. Nous allons aussi pouvoir y mettre en valeur notre activité éditoriale, au cœur de notre métier. Tout le travail d’exposition et de documentation que nous avons réalisé à travers les catalogues a eu pour objectif de favoriser la divulgation de l’art que nous aimons. Cette passion, nous voulons la partager. La nouvelle galerie sera un point de rencontre. » En ce sens, une librairie et un espace cafétéria permettront de déguster un espresso tout en feuilletant des ouvrages de référence sur les avant-gardes italiennes.

Un Boetti intime

À tout seigneur, tout honneur, la galerie nouvelle mouture frappe fort en consacrant son exposition inaugurale à Alighiero Boetti (1940-1994). « Lorsque nous l’avons exposé à Paris en 2010, il n’était pas aussi connu qu’aujourd’hui, fait remarquer le galeriste. Depuis, pour certaines grandes pièces, sa cote a plus que doublé. Entre-temps, le MoMA [New York], la Tate Modern [Londres], le Musée Reina-Sofía [Madrid] l’ont exposé. Le moment est venu de montrer toute la richesse de son œuvre, au-delà des séries les plus connues. Nous avons souhaité montrer un Boetti plus intime. » L’accrochage dévoile ainsi une œuvre magistrale. Pièce maîtresse de l’exposition, le mythique Muro, montré à Paris pour la première fois, fut longtemps installé dans l’atelier de l’artiste à Rome. Composé de petits tableaux, exposé ici sur une longueur de 6 m, l’ensemble fut continuellement modifié par Boetti de 1973 jusqu’à sa mort. Année après année, il y ajouta les traces de ses voyages, projets, photos de famille, lettres d’amis, dessins d’enfants. L’œuvre d’une vie. Un journal intime, écrit, construit au fil du temps. Conçue autour de cet « autoportrait par excellence », prêté par sa fille Agata, l’exposition montre toute la richesse conceptuelle de son travail, suivant un parcours d’une cinquantaine de pièces retraçant sa carrière depuis la période de l’Arte povera à partir de 1967. Une monographie accompagne l’exposition. Sur une idée de Hans Ulrich Obrist, on y trouve une étude de huit projets imaginés par Boetti, jamais réalisés. À noter, une exposition rassemblera à la Fondation Cini durant la Biennale de Venise 2017 les formats maximum et minimum de Boetti. Confirmation, si besoin était, de la stratégie de la galerie. « Je me suis posé la question d’ouvrir un nouvel espace, à New York ou Hongkong, confie Michele Casamonti. J’ai conclu que nous devons être présents à l’international à travers nos projets culturels. Nous devons apporter une réponse à la mondialisation en développant des collaborations avec des musées, des fondations, comme à la Biennale de Venise. Notre modèle n’est pas de multiplier les points d’exposition mais de faire voyager nos projets dans des institutions. »

Boetti

Nombre d’œuvres : une cinquantaine
Prix : de 25 000 € à 10 M€

ALIGHIERO BOETTI

Jusqu’au 8 avril, Tornabuoni Art, Passage de Retz, 9, rue Charlot, 75003 Paris, tél. 01 53 53 51 51, www.tornabuoniart.fr, du lundi au samedi 10h30-18h30.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°471 du 20 janvier 2017, avec le titre suivant : Tornabuoni Art investit le Marais

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