Art contemporain

Monographie

Carl Andre va à l’essentiel

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 18 janvier 2017 - 486 mots

Bien agencées, les œuvres de l’artiste américain entrent en dialogue avec l’espace dépouillé du Musée d’art moderne de la Ville de Paris.

PARIS - Il est impératif de parcourir dans les deux sens l’exposition de Carl Andre, présentée au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. De fait, ces simples formes géométriques, dénuées de tout artifice, sont comme des vecteurs qui, par leur taille, leur situation et leur orientation, établissent une relation immédiate avec l’espace, variable selon la position du visiteur. Contrairement à la sculpture traditionnelle, qui attire le regard du spectateur par sa thématique ou le degré de complexité de sa composition, ces « specific objects » [« objets spécifiques »], terme forgé par Donald Judd pour désigner la sculpture minimaliste, présentent un degré jusque-là inconnu de strip-tease plastique.
Étalées sur le plancher – leur socle définitivement éliminé –, disposées en séquences sérielles ou modulaires, les plaques carrées sont fabriquées en aluminium, fer, acier, cuivre, zinc ou plomb (voir 46 Roaring Forties, 1988). Ici, à la verticalité associée à la ronde-bosse, se substitue l’horizontalité, comme une invitation faite au spectateur à marcher sur ces pièces pour éprouver concrètement la différence entre ces métaux, dont chacun possède des propriétés spécifiques.
Faut-il voir en cette mise à plat une rupture avec l’anthropocentrisme qui dominait la sculpture occidentale depuis l’Antiquité ? Sans doute.

Mais on pourrait rapprocher cette façon de procéder d’une forme de land art actif, Carl Andre déclarant : « Je conçois la sculpture comme une route. Une route ne se révèle à nous en aucun de ses points, aucun point de vue privilégié ne nous la livre […] il nous faut voyager, prendre la route ou marcher sur les accotements […] la plupart de mes œuvres – et certainement les plus réussies – sont d’une certaine façon des chaussées, elles poussent le spectateur à les longer, les contourner, les parcourir : à ouvrir une voie. »

Présence de la forme
Avec Lament for the Children (« La complainte des enfants »), datée de 1976, l’espace est occupé par des dizaines de blocs de béton formant un champ de pierres tombales imaginaire. Mais peut-être pas si imaginaire que cela si on pense au Mémorial aux juifs assassinés d’Europe, inauguré à Berlin en 2005.

Ailleurs, des pièces de bois équarries ou des poutres empilées, maintenues par leur seule pesanteur, forment une pyramide ou d’autres structures modulaires. Verticales ou horizontales, ces œuvres dotées d’une forte présence sont la preuve que « la simplicité de la forme ne correspond pas forcément à la simplicité de l’expérience » (Robert Morris).

L’originalité de l’exposition, conçue par Sébastien Gokalp, est de présenter également les activités moins connues de Carl Andre. Ainsi, on y trouve des poèmes écrits selon les règles d’une série mathématique, des livres d’artiste ou encore de petites sculptures-assemblages qui font penser aux objets Dada – essentiellement à Man Ray. Qui a dit que le minimalisme était austère ?

CARL ANDRE

Jusqu’au 12 février, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 11 av. du Président-Wilson, 75116 Paris, tél. 01 53 67 40 00, www.mam.paris.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, le jeudi jusqu’à 22h, entrée 12 €. Catalogue, 404 p, 55 €.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°471 du 20 janvier 2017, avec le titre suivant : Carl Andre va à l’essentiel

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