Disparition

Entretien

La disparition de Hubert de Givenchy

« Audrey Hepburn était d’une modernité exemplaire »

Par Sarah Belmont · Le Journal des Arts

Le 13 mars 2018 - 777 mots

PARIS

Le célèbre couturier est décédé le 10 mars à l’âge de 91 ans. Voici l’entretien qu’il avait accordé au JdA en janvier 2017.

Hubert de Givenchy - Photo Bara Lockefeer, 2016
Hubert de Givenchy
Photo Bara Lockefeer, 2016
© Gemeentemuseum Den Haag

Hubert de Givenchy rend hommage à Audrey Hepburn au Gemeentemuseum

La rétrospective que le Gemeentemuseum à La Haye (Pays-Bas) consacre à Hubert de Givenchy met Audrey Hepburn (1929-1993) à l’honneur, muse du créateur de mode.

Comment est né ce projet d’exposition ?
Depuis la rétrospective qui m’était consacrée au Thyssen de Madrid, il y a bientôt deux ans, plusieurs musées ont commencé à s’intéresser à Audrey Hepburn, que l’on appelle, à juste titre, ma muse. Le Gemeentemuseum de La Haye a eu l’idée d’une exposition axée sur sa relation avec les Pays-Bas (Audrey y a notamment vécu durant la Seconde Guerre mondiale) et qui prendrait pour point de départ, ses robes. C’est pourquoi j’ai été contacté. Et j’ai accepté avec un grand bonheur.

Depuis combien de temps travaillez-vous à cette exposition ?
Depuis près de six mois. Elle porte le nom d’un livre que j’ai publié en 2014. À force de préparations et de recherches, j’ai appris énormément de choses sur Audrey. J’ignorais que, dans son adolescence, elle avait porté des messages pour la Résistance. Elle ne décida de renouer avec son père, sympathisant nazi qui avait quitté le foyer familial quand elle avait six ans, qu’après la naissance de Sean. C’était plus important à ses yeux que son fils aîné connaisse son grand-père. Je trouve admirable qu’elle ait réussi à mettre ses sentiments de côté.

Avez-vous participé à la scénographie ?
J’y ai activement contribué. Le parcours s’ouvre sur la blouse Bettina, qui m’a fait connaître en 1952. S’ensuivent des sections dédiées à Balenciaga, mon mentor, Jackie Kennedy, Grace de Monaco, la duchesse de Windsor, que j’ai également habillées. Une centaine de pièces jalonnent le parcours, dont la moitié appartenait à Audrey. D’autres clientes et amies, ont eu la gentillesse de bien vouloir me prêter leurs robes. C’est le cas de la baronne Carmen Thyssen-Bornemisza et de Madame Guinness, par exemple. J’ai fait ajouter des miroirs en Mirolège afin de souligner la continuité de certains modèles. Il fallait une mise en scène à la fois sobre et vivante, qui respecte l’image d’Audrey, tout en laissant le spectateur entrer dans son intimité.

L’exposition va-t-elle voyager ?
Pas en tant que telle. Les robes de la Fondation Hepburn iront au château de Morges, en Suisse, avant de retourner en Amérique. Les pièces issues de la rétrospective espagnole seront ensuite exposées au Musée de la dentelle de Calais.

De quels produits dérivés êtes-vous l’auteur ?
J’ai dessiné des foulards, des sacs et réalisé une dizaine de croquis (format A4) exprès pour cette exposition. Ces dessins ont été tirés à plusieurs exemplaires et regroupés dans des pochettes, en vente dans la boutique du Gemeentemuseum. Les visiteurs pourront les encadrer et les accrocher chez eux comme des œuvres d’art, s’ils le souhaitent. C’est important d’aider les boutiques de musée. Une partie des bénéfices sera reversée à l’Unicef, dont Audrey était l’ambassadrice.

Audrey Hepburn a présidé plusieurs de vos rétrospectives. Cet hommage est-il un moyen de la conforter dans ses fonctions d’ambassadrice ?
Elle était l’égérie de la maison Givenchy. Chaque fois que je lui demandais de me suivre quelque part, elle acceptait volontiers. On voudrait lui rendre hommage, tous les jours. Elle est inoubliable, intemporelle. Les jeunes d’aujourd’hui s’inspirent encore d’elle. Elle était d’une modernité, d’un dynamisme, et d’une vivacité exemplaires. Aucune star n’a son charisme. Elle a su imposer son style.

Quelles ont été les circonstances de votre rencontre ? Elle part d’un malentendu, n’est-ce pas ?
J’ai cru que c’était Katharine Hepburn [actrice américaine ndlr], que j’admirais énormément. Je me suis dit que c’était une chance pour moi de pouvoir l’habiller. Elle ne faisait appel qu’aux plus grands couturiers. Quand la porte s’est ouverte, c’est l’autre Hepburn qui est entrée. J’avais entendu parler de son rôle dans Vacances romaines. Elle était habillée comme on s’habille aujourd’hui, en pantalon, t-shirt, avec le nombril à l’air, et un large chapeau vénitien. J’étais plus surpris que déçu. Elle m’a demandé de lui dessiner quinze robes pour Sabrina. Je lui ai répondu que j’étais trop occupé ; ce qui était vrai. Elle a insisté. Nous avons dîné ensemble. Son charme a opéré immédiatement. Elle est venue, dès le lendemain, essayer quelques modèles. Évidemment tout lui allait. Elle avait une taille de mannequin. J’avais peu d’ouvrières à cette époque. Je ne pouvais les surcharger davantage. Audrey est donc repartie avec des pièces de ma nouvelle collection. C’était un bon compromis. Voilà comment a commencé notre love affair. Une amitié très forte nous liait. Je l’avais au téléphone presque tous les jours.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°470 du 6 janvier 2017, avec le titre suivant : Hubert de Givenchy rend hommage à Audrey Hepburn au Gemeentemuseum

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