Quattrocento

Masaccio en gros plans

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 7 décembre 2016 - 523 mots

Un catalogue de l’œuvre du peintre sous la forme d’un très beau livre, dont les superbes reproductions éclipsent un peu les textes.

Signé par l’historien de l’art Alessandro Cecchi, ex-directeur du département des peintures du Moyen Âge et des débuts de la Renaissance à la Galerie des Offices, cet ouvrage traduit de l’italien se propose de « faire le point, à la lumière des dernières découvertes d’ordre technique et des contributions historico-artistiques les plus récentes, sur le catalogue » de Masaccio (1401-1428). Ce catalogue d’œuvres n’est pas si long : l’artiste est en effet mort précocement, dans sa vingt-septième année, et l’auteur a adopté « un critère restrictif dans des attributions rendues difficiles, voire impossibles pour certaines œuvres […] à cause de leur très mauvais état de conservation ». Ainsi évacue-t-il rapidement le cas de La Vierge d’humilité de la National Gallery of Art de Washington, qu’il donne au cercle de Masaccio, « réduit à un état fantomatique par d’anciens nettoyages » et sur laquelle « il est difficile de porter un jugement ».

Dans ses moindres détails
Déroulant un corpus qui n’excède pas huit œuvres ou ensembles d’œuvres considérés comme autographes, l’ouvrage n’en est pas moins extrêmement volumineux. Il est à la mesure du rôle de Masaccio dans l’histoire de l’art européen, pourra-t-on dire, car l’artiste fut aussi précurseur qu’un Giotto ou qu’un Michel-Ange. C’est que ce beau livre réserve une très large place aux photographies. Des gros plans d’œuvres, succédant aux vues d’ensemble, permettent d’appréhender la peinture de Masaccio dans ses moindres détails. Ces zooms se révèlent très appréciables, en particulier lorsqu’il s’agit de comparer l’œuvre de Masaccio à celle de son collaborateur – de dix-huit ans son aîné – Masolino. Beaucoup d’œuvres portent la patte conjointe des deux artistes. Et il est vrai que notre connaissance et l’appréciation de l’œuvre très novatrice de Masaccio – il semble avoir importé dans la peinture le modelé des statues antiques et les nouvelles lois de la perspective – se fait souvent en regard de celle d’un Masolino, encore ancré dans le gothique international. À la chapelle florentine Brancacci qu’ils ont décorée ensemble autour de 1424-1425, les deux peintres diffèrent de par leur technique (1) et leur style, même si l’influence de Masaccio sur son collaborateur est manifeste. Les très grandes reproductions permettent de se former l’œil étape par étape et de discerner les apports de l’un et de l’autre. Ainsi, avant même d’en être informé par l’auteur, l’observateur pourra reconnaître que le visage du Christ, dont les lignes assez courtoises tranchent avec les figures transpirantes de vérisme des apôtres de Masaccio, constitue sans doute la seule touche masolinesque dans la célèbre scène du Tribut.

Face à la puissance des images, les textes des essais, qui convoquent largement la parole de deux grands « pontes » de l’histoire de l’art (Vasari et Roberto Longhi), pourront paraître maigrelets. Ils apportent cependant des informations non négligeables sur les commanditaires, un aspect souvent délaissé dans l’étude de l’œuvre de l’artiste.

Note

(1) « Masolino travaille en touches épaisses et il s’attache aux détails […] La technique de Masaccio est faite, au contraire, de grandes formes, rendues par une peinture […] qui multiplie les brusques éclairages et les forts contrastes entre ombre et lumière », explique l’auteur.

Masaccio, Alessandro Cecchi

Traduit de l’italien par Anne Guglielmetti, coéd. Imprimerie nationale/Actes Sud, coll. « Beaux Arts », 368 p., 140 €

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : Masaccio en gros plans

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