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L’architecture de papier construit son marché

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 6 décembre 2016 - 679 mots

Le dessin d’architecte revient en force dans les galeries, qu’il soit sous la forme d’originaux ou d’éditions. Dans un autre registre, le mobilier d’architecte est également très présent.

PARIS - Installée depuis deux ans près du canal de l’Ourcq, à Paris, la galerie Salle principale accueille une monographie de Patrick Bouchain intitulée « À la source ». Certaines pièces se regardent « avec les yeux », d’autres « avec les mains ». La plupart ne sont pas à vendre, tel ce « coin bureau » rassemblant une sélection d’ouvrages et de cartes postales dans lesquels l’architecte puise des idées. L’œuvre la plus imposante, un « cabinet de curiosités » (28 000 €), consiste en un bric-à-brac d’objets : une chaîne d’arpenteur pour la notion de mesure ; un gros coquillage rose d’une forme organique et parfaite ; des livres encore, dont Une société sans école (1971) d’Ivan Illich ou Construire avec le peuple (1970) de Hassan Fathy…, objets qui révèlent les sources d’inspiration de Bouchain. En 2017, l’architecte sera l’invité d’honneur de la Biennale d’architecture d’Orléans. Le Frac (Fonds régional d’art contemporain) Centre-Val de Loire vient d’annoncer que Patrick Bouchain lui léguait ses archives. Pas toutes gracieusement. « Le Frac nous a acheté le projet du théâtre du Centaure [un chapiteau de spectacle équestre démontable, NDLR], en l’occurrence une maquette, des photographies et des carnets de dessins », précise la directrice de la galerie Salle principale, Maryline Brustolin, qui tient à garder secret le montant de la transaction.

Chez Michel Rein, Didier Fiuza Faustino déploie une douzaine de pièces, dont plusieurs « assises-sculptures » – ou l’inverse. Delete Yourself (12 exemplaires, 6 000 € pièce en stratifié peint  un exemplaire unique en marbre à 35 000 €) est un double siège sur lequel il est difficile de s’asseoir. Idem pour l’étrange tabouret Hermaphrodite (sculpture) en aluminium brut (12 exempl., 12 000 € pièce). Au plafond, l’énigmatique suspension Nowhere Somewhere (3 exempl., 25 000 € pièce) est constituée de néons entremêlés. Sur un mur s’affiche un mot comme un slogan, Exist (édition ouverte, 600 € pièce), œuvre graphique de 28 x 42 cm conçue avec du Scotch bleu.

Montrer les projets non construits
Les travaux sur papier, et plus particulièrement le dessin, semblent reprendre du poil de la bête. Opérationnel depuis mai 2016, le site Desplans.com propose ainsi un fonds d’une centaine de dessins d’architectes, dans une fourchette allant de 95 à 1 200 euros selon le format du tirage, l’apposition d’une signature. « Un chiffre : aujourd’hui, seuls 5 % des projets sont construits, le reste n’est qu’“architecture de papier”, avance Albane Cartier-Bresson, cofondatrice du site. Cette production graphique, de grande qualité, n’est jamais montrée au public. Nous voulons la faire partager. » Un tirage au format A4 de Port Vertical Urbain de Laurent de Carnière, produit en 2015 à l’occasion du concours « Réinventer Paris », coûte 95 euros. Une sérigraphie encadrée (format 42 x 59,4 cm, 10 exempl.) d’un projet de kiosque à Chicago par l’agence portugaise Fala s’élève à 375 euros. « De temps à autre, notre galerie en ligne se matérialise en un lieu, afin que les amateurs puissent voir de visu la qualité des sérigraphies », indique Albane Cartier-Bresson – ce fut le cas en novembre dans les locaux de l’agence Gramme, à Paris.

La Galerie d’architecture, elle, joue sur deux tableaux. D’un côté, elle expose des travaux d’architectes de manière « traditionnelle » (plans, maquettes, photographies), ainsi « Corinne Vezzoni, archiméditerranéenne », actuellement. De l’autre, elle poursuit un travail d’édition. En 2013, elle avait montré de somptueux dessins originaux d’architectes, en particulier d’Alvaro Siza. L’échelle des prix s’étirait de 900 à 5 000 euros. Cette année, en février et en novembre, la galerie a demandé à vingt-six architectes qu’elle a déjà exposés de réaliser un dessin à partir d’un mot imposé. L’exercice s’intitule « Espaces libres ». La galerie conserve l’original et réalise une sérigraphie limitée à 25 exemplaires (180 € pièce). « Le dessin d’architecture était très en vogue dans les années 1980, avec des personnalités comme Aldo Rossi ou Léon Krier. Puis, il y a eu un creux dans les années 1990, avec l’arrivée de l’ordinateur, rappelle Gian Mauro Maurizio, directeur de la Galerie d’architecture. Il faudra attendre les années 2000 pour voir à nouveau revenir en force le dessin. On sent aujourd’hui comme un bouillonnement autour de ce médium. » Avec « Espaces libres », son souhait, on l’aura compris, est de générer « une nouvelle clientèle ».

En savoir plus

PATRICK BOUCHAIN, À LA SOURCE
Jusqu’au 14 janvier 2017, galerie Salle principale, 28, rue de Thionville, 75019 Paris, tél. 09 72 30 98 70, , mer.-ven. 14h-19h, sam. 11h-19h, www.salleprincipale.com

DIDIER FIUZA FAUSTINO, MY CRAFTS
Jusqu’au 11 janvier, galerie Michel Rein, 42, rue de Turenne, 75003 Paris, tél. 01 42 72 68 13, tlj sauf mardi 11h-19h, michelrein.com

CORINNE VEZZONI, ARCHIMÉDITERRANÉENNE
Jusqu’au 7 janvier, Galerie d’architecture, 11, rue des Blancs-Manteaux, 75004 Paris, tél. 01 49 96 64 00, tlj sauf mardi 11h-19h, www.galerie-architecture.com

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : L’architecture de papier construit son marché

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