Patrimoine

Budget - Les mauvais chiffres de l’archéologie

Les aléas de la redevance d’archéologie

Après des années de déséquilibre, la redevance d’archéologie préventive est désormais budgétisée. Les difficultés ne sont pas pour autant aplanies

Par Francine Guillou · Le Journal des Arts

Le 6 décembre 2016 - 951 mots

L’écart s’accroît entre le montant du financement de l’archéologie préventive, dorénavant budgétisé par le ministère de la Culture, et le produit de la redevance afférente. D’autant que les prix pratiqués par les archéologues ont tendance à baisser. Par ailleurs le nouveau mécanisme de distribution des crédits inquiète les services archéologiques des collectivités territoriales.

PARIS - Depuis le 4 novembre, la redevance d’archéologie préventive (RAP) n’est plus une taxe affectée et son produit estimé figure désormais au budget du ministère de la Culture. Suivant les préconisations de différents rapports rendus ces dernières années, un décret vient de modifier le Code du patrimoine pour établir les modalités de financement des collectivités territoriales par le biais de subventions stables et pérennes.Ce changement technique et fiscal intervient après des années de ratés dans le financement de l’archéologie. Instituée en 2003 pour financer le fonctionnement de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), les services archéologiques des collectivités territoriales et le Fonds national pour l’archéologie préventive (Fnap), la RAP n’a jamais eu un rendement suffisant pour soutenir les activités de fouilles et diagnostics publics. Initialement, la RAP était une taxe acquittée par les investisseurs immobiliers et les aménageurs au prorata des mètres carrés d’un projet immobilier.

Mais l’insuffisance du dispositif a été accentuée par la montée en puissance des services archéologiques des collectivités territoriales. Pour pallier ces faiblesses de rendement, il a été décidé en 2013 d’inclure les particuliers dans le versement de la taxe. Mais rien n’y a fait : en 2011, le rendement de la taxe était de 88 millions d’euros, de 78,6 millions en 2012, et de seulement 44,4 millions en 2013. Cette même année, l’État a dû abonder en urgence au budget de l’Inrap à hauteur de 49 millions d’euros pour boucler le budget de l’institution.

En 2014, le rapporteur des crédits du patrimoine de l’Assemblée, Jean-François Lamour, note que « la complexité des circuits de recouvrement et de liquidation de la taxe entraîne des retards conséquents dans la perception » de la RAP. Un bug du logiciel comptable est alors invoqué, mais la complexité du reversement entre le ministère de l’Urbanisme et celui de la Culture place la RAP dans un dédale administratif, retardant le reversement de la taxe aux opérateurs publics.

Désormais, le montant de la RAP sera inscrit dans la loi de finances. Pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2017, la RAP est budgétisée à hauteur de 118 millions d’euros, dont 81 millions sont consacrés au financement des diagnostics. Ce montant a été fixé en fonction des besoins constants observés ces dernières années. « Le budget 2017 consolide la sécurisation sans précédent du financement de l’archéologie préventive », se réjouit-on au ministère de la Culture.

Inquiétude des archéologues territoriaux
Mais le circuit financier suscite des interrogations parmi les archéologues des collectivités territoriales. « Cela va faciliter le reversement des crédits aux collectivités, mais nous n’avons pas de garanties sur le maintien de l’enveloppe dans un contexte budgétaire contraint », explique Antide Viand, président de l’Association nationale pour l’archéologie de collectivités territoriales (Anact). Surtout, dans le PLF 2017, seuls 10 millions d’euros sont consacrés aux 70 services d’archéologie habilités par le ministère de la Culture, contre 71 millions pour l’Inrap : « C’est très insuffisant, relève Antide Viand. Les services territoriaux effectuent environ 20 % des diagnostics chaque année. Ils devraient donc toucher 20 % du produit de la RAP, soit 16 millions d’euros. »

Dans l’ancien système, les collectivités pouvaient choisir de réaliser les diagnostics au cas par cas, ou assumer l’ensemble des diagnostics sur leurs territoires – elles se voyaient alors reverser la totalité de la RAP, y compris la taxe perçue sur les projets ne débouchant pas sur une opération archéologique. Avec la nouvelle budgétisation, cette contrepartie disparaît. Ce manque à gagner inquiète les archéologues territoriaux et risque, à terme, d’asphyxier l’Inrap par un surplus d’activités selon l’Anact.

Baisse des prix
Le 2 novembre, un arrêté a fixé la valeur forfaitaire de la RAP à 0,36 euro par mètre carré (pour 0,53 en 2016), et celle des coefficients de complexité (milieu urbain ou rural, présence ou non de patrimoine bâti…) est échelonnée de 1 à 5,4. Cette baisse forfaitaire traduit en réalité une baisse des prix facturés à l’hectare par les opérateurs publics comme privés ces dernières années. Un constat qui inquiète le député Jean-Pierre Gorges (LR), rapporteur spécial de la commission des finances sur les crédits Patrimoine du budget 2017 de la Culture : « La “guerre des prix” lancée par des opérateurs privés qui négligent le travail scientifique et dans laquelle l’Inrap s’est visiblement senti obligé de s’engager pour tenter de maintenir ses parts de marché n’est bonne pour aucun des acteurs de l’archéologie. » Après une moyenne de 300 000 euros sur les dernières années et un pic de 318 000 euros en 2013, le prix moyen facturé à l’hectare par l’Inrap est ainsi tombé à 288 000 euros en 2014. Pour les services des collectivités, le prix moyen à l’hectare est passé de 278 000 euros en 2013 à 231 000 euros en 2014. Selon le député, « il est urgent de remettre de l’ordre dans notre système d’archéologie préventive ».

2016, année transitoire

Déjà prévue en 2016, la budgétisation de la RAP n’avait pas fait l’objet d’un décret d’application. Dans le décret du 4 novembre instituant le nouveau système, l’État a créé un dispositif transitoire pour 2016. Entre 2015 et 2017, la subvention due aux collectivités au titre des diagnostics réalisés par leurs services d’archéologie sera calculée sur la moyenne des surfaces traitées au cours des années 2013 à 2015 par chaque opérateur agréé. La subvention sera versée sans demande préalable et ne pourra être inférieure aux montants perçus en reversement de la RAP les années précédentes. Le versement sera effectué avant le 31 décembre de cette année. En 2017, les collectivités devront en faire la demande auprès du ministère de la Culture, qui arrêtera par décret le montant de la subvention allouée.

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Vue d'ensemble des thermes de la villa découverte à Langrolay par les services de l'INRAP © Photo E. Collado

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : Les aléas de la redevance d’archéologie

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