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Au Brésil, la culture bringuebale

Le président espérait se réconcilier avec le secteur en haussant le budget. Las, son ministre a démissionné.

BRASILIA - Depuis la destitution fin août de la présidente Dilma Rousseff, le secteur culturel brésilien semble s’enfoncer dans une crise sans précédent. Six mois après l’imbroglio ayant vu le ministère de la Culture être supprimé puis recréé, la situation empire. D’une part, le désamour est flagrant depuis que la plupart des grandes figures des scènes musicales, littéraires ou cinématographiques ont appelé à dénoncer le nouveau gouvernement. D’autre part, le ministère est lourdement endetté et met en péril les nombreuses institutions culturelles auxquelles il n’est pas en mesure de verser leurs subventions. Ces structures sont tout autant fragilisées par la conjoncture économique qui les prive d’un mécénat comptant habituellement pour un tiers dans le financement du secteur. Depuis six mois, des collectifs investissent tous les grands événements culturels aux cris de « Temer, démission ! ».
Pourtant, à la surprise générale, le 7 novembre, le président Michel Temer a annoncé une augmentation de 40 % du budget de la Culture. Pour plusieurs raisons, cette annonce n’a pas eu l’effet escompté. D’abord, l’impopularité évoquée plus haut mettra du temps à s’estomper. Deuxièmement, la nature de l’augmentation n’est pas précisée. Or, au Brésil, l’argent public injecté dans la culture emprunte deux canaux : d’un côté, les subventions directes, comparables au système français. De l’autre, une « dépense fiscale maximale », qui équivaut à faire la somme des rescrits fiscaux qui sont autorisés à tous les organismes culturels du pays. Or, en période de crise économique, les entreprises ne se pressant pas pour financer la culture, l’« augmentation » est théorique mais rarement vérifiée à la fin de l’année.

Le nouveau ministre, une figure connue
L’annonce des 40 % avait été soigneusement préparée, à l’occasion de la remise de l’ordre du mérite culturel, au palais présidentiel, à Brasilia. Mais la soirée a d’abord été ternie par l’absence de plusieurs nommés qui ont refusé d’être décorés par Michel Temer. Ensuite, la presse a révélé que la soirée avait coûté la bagatelle de 600 000 réaux (165 000 euros), et que l’appel d’offres pour son organisation n’avait pas été passé dans les règles. À l’heure d’une grande rigueur budgétaire, cet impair a rapidement éclipsé le sujet de l’annonce. Mais la lie du calice n’a été bue que dix jours après cette soirée, lorsque le jeune ministre de la Culture Marcelo Calero a surpris son monde en démissionnant « pour raisons personnelles ».

Roberto Freire, appelé à le remplacer, n’a jamais exercé de fonctions significatives dans le secteur, quand son prédécesseur avait été adjoint à la culture de la Ville de Rio. Mais à 74 ans, il est une figure connue de la vie politique brésilienne. Après avoir démarré sa carrière dans l’opposition sous la dictature, il a exercé de nombreux mandats au sein de plusieurs partis de gauche et du centre gauche. Alors que son engagement politique en ferait plus légitimement un adversaire du présent gouvernement, son entrée au ministère s’apparente à une concession politicienne du président envers un parti (le PPS) dont Freire est l’actuel président. L’arrivée de Roberto Freire semble confirmer que le secteur culturel n’est pas encore vu comme l’enjeu économique qu’il représente, et que son indéniable développement de la décennie écoulée n’est pas pérennisé.

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Roberto Freire, nouveau ministre de la culture du Brésil © Photo : Agência Brasil

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°469 du 9 décembre 2016, avec le titre suivant : Au Brésil, la culture bringuebale

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