Art moderne

XIXe siècle

Le jardin des délices

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 22 novembre 2016 - 703 mots

Pour son 15e anniversaire, le Musée Paul Dini a rassemblé des œuvres d’artistes de Rhône-Alpes du XIXe siècle autour du thème des tentations.

VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE - C’était un musée municipal comme il s’en est créé des centaines, en France, au long du XIXe siècle. Fermé en 1978, la première donation de Muguette et Paul Dini l’a sorti de sa léthargie en 1999 (450 tableaux d’artistes de Lyon et de Rhône-Alpes des XIXe et XXe siècles), suivie d’une deuxième en 2000. En 2001, il rouvrait enfin, bénéficiant encore de la générosité du couple et prenait alors le nom de Musée Paul-Dini. L’homme d’affaires et d’autres donateurs ont, depuis, continué de doter le musée, dans la lignée de ce choix d’œuvres en relation avec la région. En contrepartie, les responsables du musée se sont engagés à organiser leurs expositions avec le même fil directeur en présentant des artistes de la région ou y ayant exposé au cours de leur carrière. C’était sans doute l’une de ces contraintes  qui donnent des ailes à la créativité, car des sujets comme le paysage, le symbolisme ou le postimpressionnisme ont été traités avec brio au cours de ces années.

Pour fêter les 15 ans du musée, il fallait une idée qui dépasse ces thèmes classiques. Sylvie Carlier, conservateur en chef du Patrimoine et directrice du musée, et Damien Chantrenne, commissaire scientifique de l’exposition et aujourd’hui responsable du Musée d’art, d’histoire et du patrimoine de Dreux, s’orientent dans un premier temps vers la volupté et les sens. La réflexion menée avec l’historien de l’art Dominique Lobstein les conduit finalement à construire leur exposition sur le sujet plus large des tentations. Un thème développé tout en finesse et humour qui mène le visiteur d’œuvres de premier plan (dont quelques sculptures) à ces tableaux édifiants, décoratifs ou émoustillants qu’affectionnait la bourgeoisie au tournant du siècle.

Cinq salles pour appeler autant de sens

La structure du musée, fait de petites salles entourant un grand plateau largement inondé de lumière, a conduit à une présentation en quatre sections, suivies d’un cinquième espace mettant en résonance le thème des tentations avec un choix d’œuvres contemporaines de la collection Paul-Dini. Fidèle aux normes du XIXe siècle, l’exposition débute par la section « Le grand genre ». Dans les œuvres montrées ici, l’appel des sens croise le chemin de la peinture religieuse ou d’histoire. On y trouve l’esquisse du tableau monumental de Victor Orsel, Le Bien et le Mal (vers 1829), symbolisés par deux jeunes filles. Pour la mythologie, voici l’étonnant Phryné (1903) de José Frappa, où l’hétaïre grecque, accusée et menacée de mort, dévoile sa poitrine à ses juges pour désarmer leur colère. Cette toile, appartenant au Musée d’Orsay, est d’habitude en dépôt à l’Assemblée nationale. La section suivante, « Les sens en éveil », se poursuit sur cinq salles, présentant de belles natures mortes comme Branches de cerises (vers 1870) de François Vernay pour le goût et une grande diversité de scènes de genre, tel l’amusant Madame reçoit (1908) de Rémy Cogghe, pour la vue, où deux domestiques épient leur maîtresse par le trou d’une serrure. Une bonne transition avec la section « Tentations galantes et nudités », où se trouvent La Fille aux joncs (1871) d’Ernest Hébert pour l’hôtel de la Païva (avenue des Champs- Elysées à Paris) et l’émouvante Femme couchée (Salon d’automne de 1909) du peintre lyonnais Jacques Martin.

La dernière section, « Le sublime et l’ailleurs » présente « une ouverture, car au XIXe siècle les sens permettent aussi de découvrir un ailleurs qui éveille les fantasmes », raconte Damien Chantrenne. Cet exotisme qui, ici, prend souvent le visage de la montagne tout juste explorée au XIXe siècle, donne le mot de la fin à l’exposition avec l’orientaliste Paul-Louis Bouchard et ses Almées d’opérette (vers 1893). Une conclusion en forme de clin d’œil pour un parcours plein de surprises où le public peut, en plusieurs points, s’asseoir pour consulter le catalogue mis à sa disposition et en apprendre un peu plus sur les œuvres et les artistes qu’il découvre.

TENTATIONS

Commissaires : Sylvie Carlier, directrice du Musée Paul-Dini, Damien Chantrenne, responsable du Musée d’art et d’histoire et du patrimoine de Dreux, assistés de Dominique Lobstein, historien de l’art.
Nombre d’œuvres : 90.

TENTATIONS. L’APPEL DES SENS (DE 1830 À 1914)

Jusqu’au 12 février, Musée Pau-Dini, 2 place Faubert, 69400 Villefranche-sur-Saône, mercredi 13h30-18h, jeudi et vendredi 10h-12h30 et 13h30-18h, samedi et dimanche 14h30-18h, www.musee-paul-dini.com, entrée 6 €. Catalogue éd. Musée Paul-Dini, 28 €

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°468 du 25 novembre 2016, avec le titre suivant : Le jardin des délices

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