Architecture

Réhabilitation

À Versailles, l’esprit du lieu

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 9 novembre 2016 - 764 mots

La transformation des Grands Communs et celle du pavillon Dufour au château de Versailles sont deux réponses pertinentes à la fabrication d’une nouvelle histoire.

VERSAILLES - Depuis sa création il y a trois siècles et demi, Versailles n’a jamais cessé d’être en construction. Ainsi des Grands Communs et du pavillon Dufour, qui viennent d’être restructurés. Bien que menés de façon totalement indépendants, les chantiers ont été conditionnés l’un par l’autre et les deux projets introduisent le métal à Versailles : les Grands Communs accueillent désormais les services de l’Établissement public du château, lesquels étaient autrefois abrités par le pavillon Dufour. Ce dernier, libéré des espaces de bureaux, est alors à même d’assurer la fonction d’accueil dans le château. Les deux opérations ont été encadrées par Frédéric Didier, architecte en chef des Monuments historiques chargé de la remise en état d’origine des bâtisses des XVIIe et XVIIIe siècles. En parallèle, Bernard Desmoulin et l’agence DPA (Dominique Perrault et Gaëlle Lauriot-Prévost) devaient équiper du confort moderne nécessaire ces locaux qui n’y étaient pas du tout adaptés.

Aux Grands Communs, le métal
Présentant un plan rectangulaire tramé de 82 x 76 m, les intérieurs des Grands Communs tels que conçus par Jules Hardouin-Mansart en 1682 avaient été dénaturés par une accumulation de cloisons et faux plafonds posés au cours de ses multiples affectations. Bernard Desmoulin avait la charge d’y aménager (en deux phases de 2011 à 2016) des bureaux, un service d’archives, une banque, des salles de réunion…
La tâche était ardue car, derrière les façades à trames répétitives, chaque salle présentant différentes contraintes et proportions est un projet en soi. L’architecte a dessiné un ensemble de systèmes astucieux et adaptables, pour cloisonner les espaces sans fermer les lieux. Des cloisons toutes en hauteur alternent avec des parties pleines en acier et d’autres vitrées qui laissent filer les sols et les plafonds. La perception d’une ampleur de volume est ainsi préservée. Le même acier foncé est utilisé pour habiller les ascenseurs, qui deviennent un bel élément massif parmi la pierre. De même, les embrasures de portes, en métal également, valorisent les enfilades de salles, restituées. « Le métal s’adapte à toutes les époques car il évite le contraste de matières », explique Bernard Desmoulin. L’ensemble est élégant et dépouillé, tel que l’avait dessiné Mansart. De plus, quel que soit l’endroit où l’on se trouve, des vues sont dégagées sur le patio intérieur et vers l’extérieur, sur les autres corps du château. Car, poursuit Bernard Desmoulin, « l’important dans un tel contexte est de toujours avoir la référence au lieu ; ici nous sommes à Versailles, il en faut transmettre la perception ».

La même problématique préoccupait Dominique Perrault et Gaëlle Lauriot-Prévost au pavillon Dufour : « Comment raconter une histoire qui ne soit pas simplement une histoire d’usage ? » C’est à un véritable travail d’orfèvre auquel s’est livré le duo qui a décliné un ensemble de lustres accompagnés de voilages dorés, tandis qu’au sol est posée une superbe marqueterie, le tout fait de métal – le domaine d’excellence et la marque de fabrique de l’agence DPA. Comme dans les Grands Communs, les enfilades et les volumétries d’origine sont restituées et les niveaux sont égalisés. De plus, un amphithéâtre contenu dans une coque de bois est glissé sous les combles, et pour l’ensemble, « chaque recoin est utilisé afin de faire passer de la technique sans que celle-ci ne se voie », explique Dominique Perrault.

Un souterrain au pavillon Dufour
Nouvelle porte d’entrée dans le château, le pavillon Dufour a été étendu par la création grâce à un espace souterrain naturellement éclairé par un puits de lumière en verre. L’agence DPA était la seule lors du concours à déployer les mètres carrés demandés en sous-sol, les quatre autres finalistes ajoutant un nouveau volume placardé sur une des façades, ce qu’avait fermement refusé le duo. Ce travail en sous-sol est une illustration probante de la théorie du « Groundscape » (1) développée par la plateforme de recherche DPAx portant sur le potentiel architectural et urbain du souterrain, « qui est une véritable ressource ».
Ces deux projets menés avec culture et élégance sont d’actualité dans la discipline tant la question de la réutilisation d’anciens bâtiments est devenue majeure. En 2014, Dominique Perrault déclarait que « les bâtiments sont des pièces inachevées » et, à travers cette prise de position, il invitait les architectes à y réfléchir.

Note

(1) Deux ouvrages de grande qualité viennent d’être publiés : Groundscapes, Autres topographies, par Dominique Perrault, éd. HYX, Orléans ; Gaëlle Lauriot-Prévost Design/Dominique Perrault Architectures, par Michèle Champenois, éd. Norma, Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°467 du 11 novembre 2016, avec le titre suivant : À Versailles, l’esprit du lieu

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