L’art du chantier

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2016 - 410 mots

Parler d’architecture évoque surtout « l’objet fini ». Quasiment jamais n’est relatée sa construction. D’où l’intérêt de la passionnante exposition « Obra » (« Chantier »), qui s’attache à montrer, à travers quelques exemples choisis, comment l’organisation et le déroulement d’un chantier peuvent influer sur la forme finale d’un bâtiment, pour le meilleur ou pour le pire.

Déployée dans la Galerie inférieure de la Fondation Calouste Gulbenkian, dans une séduisante scénographie des Portugais Inês Vieira da Silva et Miguel Vieira (Sami Arquitectos), cette exposition se découpe en cinq thèmes : Bonheur, Systèmes, Temps, Matériaux et Communication. Deux habiles maximes contribuent d’emblée à arrimer le propos : « La forme est non seulement le résultat de l’idée, mais également du chantier » et « Le chantier est le lieu où le dessin devient forme ». Dont acte !

Mieux vaut ne pas prendre le « bonheur » à la lettre d’ailleurs. Ainsi, au début des années 1970, pour l’entreprise du bâtiment anglaise McAlpine & Sons, l’architecte et penseur Cédric Price (1934-2003) livre un rapport ironiquement baptisé McAppy, sur l’organisation et les conditions de travail sur les chantiers de ladite firme. Ici deux schémas colorés montrent l’organisation d’alors, et en regard, une critique et des propositions, depuis la sécurité et le bien-être des ouvriers jusqu’à l’efficacité et l’économie dans les processus de construction. Comme quoi une meilleure connaissance architecturale contribue à améliorer les conditions de travail ; ce qui a une répercussion sur la manière dont le chantier sera réalisé.

Dans le passé, certains maîtres d’œuvre ont réfléchi sur la notion de chantier, à l’instar de l’ingénieur Français François Hennebique (1842-1921), ici exposé, qui déposa une ribambelle de brevets pour des systèmes constructifs qui permirent, de construire autrement.

Le volet le plus impressionnant du parcours est celui baptisé « Temps » avec la Casa da Musica, à Porto, de Rem Koolhaas (OMA). Dessinée, à l’origine sur deux ans, entre 1999 et 2001, l’agence revisite une ancienne esquisse de maison individuelle qu’elle « gonfle » aux dimensions d’une salle de concert. Au lieu du verre ou de l’acier envisagés, on choisit le béton armé. Puis, pour éviter tout retard, des décisions fondamentales d’ordre structurel sont prises, autorisant le début du chantier alors que le projet n’est pas entièrement ficelé. Les aléas dudit chantier feront qu’il faudra en réalité quatre ans pour achever le volume en béton. Un énorme retard qui permettra néanmoins, au final, à OMA de fignoler à l’extrême les finitions intérieures.

Obra

Fondation Calouste Gulbenkian, Galeria do Piso Inferior da Sede, av. de Berna, 45A, Lisbonne, mercredi-lundi 10h-18h, tel. ( 351) 217 823 000

Légende Photo :
La Casa da Música, Porto, maquette, vers 1999 © OMA

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°466 du 28 octobre 2016, avec le titre suivant : L’art du chantier

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