Triennale - Architecture

Triennale

Lisbonne interroge les fondamentaux de l’architecture

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2016 - 729 mots

La 4e Triennale de Lisbonne place l’architecture au centre de l’aménagement urbain dans une société complexe.

LISBONNE - Moins spectaculaire et avec un budget plus modeste que l’actuelle Biennale d’architecture de Venise (lire le JdA n° 463), la 4e Triennale d’architecture de Lisbonne, qui s’est ouverte le 5 octobre n’en reste pas moins intéressante. Sous la houlette des architectes et commissaires en chef André Tavares et feu Diogo Seixas Lopes (disparu brutalement, le 18 février, à 43 ans), cet opus 2016 arbore une thématique ambitieuse : « A Forma da Forma », soit « La Forme de la forme » : « la forme » au sens figuré, un principe d’organisation, « de la forme » au sens propre, l’apparence physique.

« Le monde est transformé par l’architecture et cette quatrième édition compte faire évoluer le débat sur les pratiques architecturales d’aujourd’hui à partir d’un large spectre d’approches contemporaines, explique André Tavares. Comprendre l’architecture comme une profession engagée face à un contexte social complexe permettra davantage de faire avancer les implications et les possibilités des décisions architecturales, et d’améliorer leur importance technique et culturelle dans la société ». Le propos, qui décortique les enjeux majeurs (esthétique, technique, social, politique), se décline en quatre expositions principales, sept présentations satellites et une douzaine de projets associés. Pour les visiteurs, outre le contenu, le contenant vaut souvent le détour, tels le Teatro Thalia (Estrada das Laranjeiras, 211), le Palacio Pombal (Rua de O Século, 79), ou la Casa Roque Gameiro (Praceta 1e Dezembro, 2, Amadora).

Repenser la cité
Au Garagem Sul, vaste espace logé dans les entrailles du Centre Culturel de Belém, la présentation O Mundo nos Nossos Olhos [« Le Monde dans nos yeux »] réunit les propositions de 35 agences internationales, à travers maquettes, films et documents graphiques. Celles-ci dévoilent l’arsenal d’outils sophistiqués développé pour produire de nouvelles méthodes d’analyse de la ville et de l’espace urbain. Avec Hong Kong is Land, le duo Map Office imagine ajouter huit îles artificielles supplémentaires aux 263 existantes de cette cité ultra-engorgée, afin de satisfaire aux futurs besoins des habitants. Avec San Francisco Case Study, Nicholas de Monchaux propose, lui, de repenser les quartiers non seulement en fonction du réseau d’assainissement ou du chauffage urbain, mais aussi en regard d’études ciblant les délits déclarés ou les troubles respiratoires.

Dans une cour du nouveau Museu de Arte, Arquitetura e Tecnologia (MAAT) donnant sur la rive du Tage, le trio d’architectes Kersten Geers, Mark Lee et Nuno Brandão Costa ont érigé une étrange structure hébergeant l’exposition phare « A Forma da Forma », laquelle a donné son titre général à cette Triennale. Dans chaque « salle » se déploie une thématique, dont un « Atlas d’images des formes architecturales » que concocte, depuis une décennie, le duo transalpin Socks Studio. Dessins et photographies dressent un panorama historique, depuis une fascinante construction conique (Ice House, Iran, photographie en noir et blanc de Lynn Davis) jusqu’à une maison cubique du Japonais Hiromi Fujii (Todoroki Residence), en passant par le volume élégant et néanmoins complexe de la banque Pinto & Sotto Mayor, à Oliveira de Azeméis (Portugal), conçu en 1974 par la figure emblématique de l’architecte portugais, Alvaro Siza, aujourd’hui âgé de 83 ans.

Interpellation des pouvoirs locaux
Au Campo de Santa Clara, dans un palais merveilleusement décati, se déploie une présentation intitulée « Sines : Logistica à Beira-Mar » (« Sines : Logistique de bord de mer »), soit cinquante projets réalisés par quatorze écoles d’architecture portugaises questionnant la relation entre Sines, ancien village de pêcheur au sud de Lisbonne devenu immense port industriel, et son bord de mer. Le maire a visité l’exposition. « De prime abord, il n’a pas forcément compris chaque projet en tant que tel, raconte André Tavares. En revanche, il a parfaitement saisi qu’il devait désormais repenser le développement de sa ville en termes de paysage. » Pour inciter d’ailleurs les politiques à prendre davantage conscience de l’importance de l’architecture et de l’aménagement urbain, quarante architectes ont adressé une lettre au maire de Lisbonne. Fair-play, Fernando Medina, leur a offert une salle de la mairie pour les afficher. Même si les mots sont parfois cinglants : « Appliquer de l’art urbain sur les façades de bâtiments délabrés est aussi opérationnel que tatouer le visage de personnes âgées malades. Et beaucoup moins drôle », a écrit l’architecte portugais Bernardo Rodrigues. À méditer !

TRIENAL DE ARQUITETURA DE LISBOA 2016

jusqu’au 11 décembre, dans plusieurs lieux dont la Fondation Calouste Gulbenkian (avenue de Berna, 45 A), le Centre culturel de Belém (Praça do Império), le MAAT (avenue Brasilia, Central Tejo) et le siège de la Triennale (Campo de Santa Clara, 145). www.trienaldelisboa.com

Légende Photo :
La structure abritant « The form of form », Triennale de Lisbonne © Photo Tiago Casanova

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°466 du 28 octobre 2016, avec le titre suivant : Lisbonne interroge les fondamentaux de l’architecture

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