Musée

Inauguration

Maat, le nouveau musée de Lisbonne

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 25 octobre 2016 - 955 mots

LISBONNE / PORTUGAL

La capitale portugaise inaugure dans le quartier de Belém un nouveau site culturel constitué de deux édifices, qui modifie en profondeur l’environnement urbain.

Musée d'Art, d'Architecture et de Technologie (MAAT) de Lisbonne, Portugal. © Susanne Nilson, 2017, CC BY-SA 2.0
Le Musée d'Art, d'Architecture et de Technologie (MAAT) de Lisbonne, Portugal.
Photo Susanne Nilson, 2017

LISBONNE - On ne pouvait rêver plus belle situation : Lisbonne, quartier de Belém – celui d’où les grands explorateurs portugais partaient pour leurs expéditions –, face au Tage. Le nouveau Museu de Arte, Arquitetura e Tecnologia (Musée d’art, d’architecture et de technologie) ou MAAT, qui a ouvert le 5 octobre, bénéficie, en effet, d’un emplacement des plus spectaculaires et non moins vaste : un site de quelque 3,8 hectares, « campus » appartenant à la Fondation Energias de Portugal (EDP), filiale de l’électricien portugais.

Le MAAT se compose, en réalité, de deux bâtiments distincts. D’un côté, Central Tejo, autrement dit l’antédiluvienne centrale électrique construite en 1908 et qui alimenta la capitale portugaise jusqu’au début des années 1970, majestueux édifice patrimonial tout en briques rouges et hautes cheminées. De l’autre, une construction flambant neuve habillée de céramique blanche, imaginée par l’architecte britannique Amanda Levete et baptisée « Kunsthalle ».

Entièrement réaménagé en juin, le premier, Central Tejo loge désormais quatre espaces d’exposition, dont les noms – Central 1, Central 2, Boiler Hall et Turbine Hall – rappellent, fatalement, ceux d’une autre centrale électrique reconvertie en musée : la Tate Modern, à Londres. « Les deux entités sont parfaitement autonomes, tient à préciser Pedro Gadanho, premier directeur du MAAT. Ces lieux sont très différents à la fois en termes d’architecture que de présentation des œuvres. Dans Central Tejo, quatre salles principales permettent de montrer des œuvres de manière “classique”, à l’instar d’un White Cube. À l’intérieur du nouvel édifice en revanche, la configuration des salles représente un défi en termes de présentation et de scénographie. »

Deux bâtiments, deux ambiances
Le nouveau bâtiment imaginé par Amanda Levete arbore, lui, deux facettes. Au nord, du côté de l’avenue Brasilia et de la ligne ferroviaire Lisbonne-Cascais, il est quasi aveugle, recroquevillé sur lui-même jusqu’à se dissimuler sous une vaste toiture de béton ondulante, et néanmoins accessible à tous. « Nous voulions raccorder le complexe [muséal] aux rives du fleuve et le transformer en un espace public, dont les gens pourraient prendre possession », explique l’architecte britannique. Le pari semble gagné. Dès le jour de l’ouverture, Lisboètes et touristes se sont empressés de profiter de ce belvédère exceptionnel, perché à 15 mètres de hauteur et offrant de multiples vues panoramiques sur l’estuaire du Tage, tout comme, à l’arrière, sur le quartier de Belém.

Au sud au contraire, côté fleuve, le bâtiment, tel un long ruban comprimé, s’ouvre amplement sous une vaste avancée qui surplombe l’entrée du musée façon visière de casquette. La façade, elle, est entièrement habillée de modules de céramique blanche vernissée – près de 15 000 en tout –, en forme de chevrons et en trois dimensions, clin d’œil appuyé, et néanmoins contemporain, à la riche tradition céramique portugaise. Il suffit de longer ladite façade pour accéder à l’entrée du bâtiment, d’une surface totale de 7 400 m2 et composé de quatre salles d’exposition hétéroclites. Dès le hall d’entrée, le visiteur peut aisément distinguer, un niveau en dessous, la Galerie ovale, vaste espace de 1 200 m2 actuellement investi par l’artiste française Dominique Gonzalez-Foerster, avec une installation intitulée Pynchon Park. Pour l’atteindre, on empruntera, au choix, la rampe en pente douce ou l’escalier qui cernent tous deux ladite Galerie ovale. La Galerie principale, elle, affiche une surface de 1 000 m2 et jouit d’un éclairage naturel zénithal. « Le fleuve est si essentiel dans ce projet que la conception le reflète littéralement, observe Amanda Levete. Le toit en porte-à-faux, qui génère une ombre accueillante dans la journée, est également utilisé pour réfléchir les rayons du soleil à l’intérieur de la Galerie principale. » À chaque extrémité de la salle lenticulaire, se déploient deux pièces plus petites, une « Project Room » de 500 m2, destinée aux installations et une « Video Room » de 100 m2 pour des projections. Enfin, les réserves (1 000 m2) et des locaux techniques (1 300 m2) viennent, entre autres, compléter le programme.

Une plateforme internationale
« Avec son patrimoine industriel unique, une collection croissante d’art portugais et un programme d’expositions innovant, le MAAT sera un espace culturel de découverte, de réflexion critique et de dialogue global, affirme Pedro Gadanho. Ce lieu ne soutiendra pas uniquement le travail d’artistes et de commissaires portugais, mais offrira également une plateforme en lien avec la communauté artistique internationale ». Son credo : Explorer la culture contemporaine, à travers des mariages entre les arts visuels et les nouveaux médias, l’architecture et la ville, la technologie et la science, la société et la pensée. « Notre souhait, avance le directeur, est de pousser les gens à réfléchir et à comprendre que l’art n’est pas uniquement destiné à la contemplation, mais qu’il nous aide aussi à penser le moment présent que nous vivons. »

Le coût des travaux de cet édifice s’élève à 20 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 4 millions pour les aménagements extérieurs et la future passerelle piétonne.

En effet, cette ouverture du MAAT, le 5 octobre, ne sonne pas complètement la fin des travaux, elle-même programmée pour mars 2017. Dans ce laps de temps, le nouvel édifice, qui inclura, entre autres, un restaurant, une boutique et un centre éducatif, doit encore faire l’objet de finitions, à l’instar des abords qui, sous la houlette de l’agence de paysagistes libanaise Vladimir Djurovic Landscape Architecture, se métamorphoseront en un parc. À cette date, sera, en outre, inaugurée la nouvelle passerelle piétonne également dessinée par Amanda Levete. La liaison entre le quartier historique de Belém, séparé depuis des décennies des rives du Tage par une ligne de chemin de fer et une avenue bondées, deviendra alors réalité.

MAAT

avenue Brasilia, Central Tejo, 1300-598 Lisbonne, (Portugal), tél. ( 351) 210 028 130, mercredi-lundi 12h-20h, www.maat.pt.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°466 du 28 octobre 2016, avec le titre suivant : Maat, le nouveau musée de Lisbonne

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