Foire & Salon

Les foires « off », miroir d’un marché en mutation

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 11 octobre 2016 - 1271 mots

PARIS

La Fiac n’est pas la seule à se recentrer, ses satellites sont moins nombreux cette année, témoignant de la difficulté des galeries à trouver un positionnement et un modèle viable.

PARIS -  Ce sont aujourd’hui les grandes foires qui dictent le calendrier de l’art à l’échelle mondiale, entraînant dans leur sillage une cohorte d’événements. Ainsi, s’est fait et défait le paysage off en marge de la Fiac, alors que la reprise en main de la foire, il y a une décennie, la replaçait sur l’échiquier planétaire du marché. Mais bien peu parviennent à perdurer au fil des ans. Les naissances et les disparitions qui ont lieu à chaque édition révèlent la difficulté à trouver un positionnement pertinent, mais aussi un modèle économique viable, leur permettant de s’inscrire dans le temps. La Fiac elle même n’avait pas simplifié la donne voilà deux ans, en orchestrant elle-même Officielle en 2014, son propre off, parallèlement à sa démonstration au Grand Palais. Ce paysage se voit encore fragilisé, sous l’effet de la menace terroriste et de la crise économique persistante, dans un climat complexe pour les galeries naissantes et de taille moyenne.

Une fois n’est pas coutume, cette année, pas de nouveau venu. L’heure est à la consolidation. À part dans ce paysage, Art Élysées est l’une des seules foires à avoir gardé la même ligne, celle de l’art moderne et de l’art contemporain le plus « classique ». Ce positionnement lui a permis une longévité peu habituelle : la foire fête en effet ses 10 ans cette année. « Notre succès est venu du fait de ne surtout pas chercher à être à la mode. Les collectionneurs ont besoin de lisibilité. Et du côté des galeries c’est très difficile de survivre, aussi doivent-elles faire des choix, et les salons doivent être précis dans leur offre », explique Isabelle Keit Parinaud, la directrice. « Notre ADN est l’art moderne, nous sommes partis de cette base pour nous étoffer petit à petit. » Aussi, l’événement a-t-il développé une section design en 2010 et réserve depuis l’an dernier des espaces à l’art urbain. Aujourd’hui, une soixantaine d’exposants font partie de l’événement, parmi lesquels Baudoin Lebon, Bérès ou Hélène Bailly. Nouveautés de cette édition, l’instauration de « conversations » et d’une programmation hors les murs à l’hôtel Park Hyatt, ou l’ouverture au design contemporain.

L’art émergent sur le devant de la scène
Plus nombreuses sont les foires qui se positionnent sur le créneau de l’art émergent. C’est le cas de Paris Internationale, lancée l’an dernier par un cortège de cinq galeries, les parisiennes Crèvecoeur, Antoine Levi, Guillaume Sultana ou High Art, et la zürichoise Gregor Staiger. L’événement poursuit sur une lignée qui a démontré son efficacité : s’attacher à la création contemporaine et montrer des propositions de qualité avec un format et un lieu atypiques. Investissant sur quatre étages un immeuble hausmannien du 8e arrondissement, elle réunit plus de cinquante galeries, avec un important volet international. « Il y avait une place à prendre dans Paris. Nous avons privilégié un événement de taille modeste dans un environnement moins neutre, avec une architecture parisienne qui casse celle des stands », explique Silvia Ammon, codirectrice de l’événement. « Paris Internationale est issue d’un élan générationnel. Nous avons choisi de fonctionner par invitation, nous proposons à des galeries dont nous apprécions le travail de se joindre à nous », poursuit-elle. À noter, la foire est listée dans le parcours VIP de la Fiac (de même que feu Slick), alors que la manifestation du Grand Palais mettait traditionnellement un point d’honneur à construire une frontière imperméable avec les foires off. Né en 2010, le YIA, pour Young International Artists, continue lui aussi d’explorer la scène émergente, avec un format ouvert et des propositions internationales, dans une veine parfois inégale. Autre caractéristique de l’événement qui rassemble quelque 65 galeries (dont Bertrand Grimont, Mélanie Rio ou Anne de Villepoix) avec beaucoup de nouveautés : une programmation culturelle et le développement de collaborations hors les murs, dans les musées du Marais.

Des formats intimistes et spécialisés
Les formats très confidentiels continuent de fonctionner. C’est le cas de Chambres à part, proposée par Laurence Dreyfus, qui lance une onzième édition et propose une nouvelle sélection d’œuvres à l’hôtel La Réserve autour du thème Small is beautiful. Nadia Candet, fondatrice de Private Choice qui lui avait emboîté le pas avec une proposition similaire, explique sa formule. « Je souhaite donner l’impression qu’on rentre chez un collectionneur. Une vingtaine de galeries sont présentes, mais aucune d’entre elles n’est visible », explique la fondatrice. Le format ultra-intimiste du salon Zürcher, également proposé en marge de l’Armory Show ou de Frieze, est lui aussi reconduit, avec six participants, venus de New York, Paris ou Bruxelles. Autre stratégie, d’autres se concentrent sur un secteur géographique, c’est le cas d’Asia Now, programmée depuis l’an dernier, et spécialisée sur l’art contemporain asiatique. « Nous creusons le sillon d’un événement “boutique art fair” autour, non pas d’une, mais de treize scènes asiatiques, dans un environnement ultra-convivial, à taille humaine », explique la fondatrice Alexandra Fain. Trente exposants sont recensés, de Paris Pékin à 313 Art Project (Corée), en passant par Magda Danysz. Ex-Show off, Media Art Fair poursuit son exploration des nouveaux medias, mettant en avant les propositions de quelque quarante artistes plutôt que celles de galeries. Autre proposition ultra-spécialisée, l’événement new-yorkais Outsider Art Fair, venu à Paris il y a deux ans, met en avant l’art brut et l’outsider art. « À côté de la grand-messe, les visiteurs ont envie de propositions hyperspécialisées », explique Alexandra Fain.

Des petites et moyennes galeries fragiles
Mais l’observation des disparitions dans le paysage off est également édifiante, révélant un marché de plus en plus difficile pour les galeries de taille moyenne et les jeunes pousses. Cette année, les disparus sont légion, particulièrement sur le créneau de la scène émergente, le plus fragile, et sur lequel se positionnaient de trop nombreux événements. Annoncée avant l’été par l’équipe de Drawing Now, la manifestation Alternative n’aura pas lieu. Exit aussi Cutlog : l’événement revenu l’an dernier en faisant fi des galeries, tire aujourd’hui sa révérence. Slick, pourtant plus installée, centrée elle aussi sur de jeunes galeries, n’a pas réussi à trouver la formule à succès, avec un positionnement fluctuant et une qualité hétérogène. Après dix éditions, la foire avait annoncé se recentrer sur la scène contemporaine française. Las, elle vient de jeter l’éponge. « Nous n’avions pas la possibilité de faire la foire. Entre les galeries qui ont fermé et toutes celles qui vendent très peu depuis six mois, beaucoup n’ont pas pu postuler », explique Aude de Bourbon Parme. Trouver un modèle économique viable avec des galeries émergentes se révèle fort complexe. La directrice pointe ainsi du doigt « une équation économique compliquée due à des coûts de fabrication importants et un emplacement très cher. » La menace terroriste a encore ajouté une difficulté pour ces foires. Même les foires off les plus installées en font les frais. « Beaucoup de galeries étrangères ont annulé leur participation, car elles ne souhaitaient pas venir à Paris », précise ainsi la fondatrice d’Art Élysées, Isabelle Keit. Un nombre croissant de galeries a d’ailleurs choisi de ne faire aucune foire en octobre. C’est le cas d’Anne Barrault, Backslash ou Vincent Sator. Un modèle reste encore à inventer pour les galeries de taille intermédiaire, dont plusieurs sont restées sur le carreau avec l’arrêt d’Officielle. « On sent une lassitude des foires, la période est compliquée et les galeristes doivent faire des choix drastiques », résume Vincent Sator, qui a fait le choix de se rendre à la première de Galeristes en décembre.

Les Offs

Art Élysées, Art et design, du 20 au 24 octobre, av. des Champs-Élysées, 75008 Paris, 11h-20h, lundi jusqu’à 18h, www.artelysees.fr. Direction : Isabelle Keit-Parinaud, direction artistique : Baudoin Lebon et Ayann Goses, 65 galeries.

Asia Now, Paris Asian Art fair, du 19 au 23 octobre, 9 avenue Hoche, 75008 Paris, jeudi 13h-20h, vendredi 13h-22h, samedi 11h-20h, dimanche 11h-18h, www.asianowparis.com. Direction : Alexandra Fain, 31 galeries.

Chambres à part, du 19 au 22 octobre, La Réserve, 42 avenue Gabriel, Paris, sur RDV, tlj 10h-19h, www.laurencedreyfus.com. Direction : Laurence Dreyfus.

Paris Internationale, du 19 au 23 octobre, 45 avenue d’Iéna, 75116 Paris, mercredi-samedi 12h-20h, dimanche 12h-18h, www.parisinternationale.com. Direction : Silvia Ammon, Clément Delépine, 53 galeries et 5 000 visiteurs en 2015.

Private choice, du 17 au 23 octobre, quartier Franklin Roosevelt 75008 Paris, sur RDV, tlj 12h-20h, vendredi jusqu’à 21h, www.privatechoice.fr. Direction : Nadia Candet, 60 artistes et 1 400 visiteurs en 2015.

Salon Zürcher, du 18 au 23 octobre, Galerie Zürcher et autres galeries rue Chapon 75003 Paris, mardi, vendredi et samedi 12h-20h, mercredi sur rendez-vous, jeudi jusqu’à 22h, dimanche jusqu’à 8h, www.galeriezurcher.com. Direction : Gwenolée et Bernard Zürcher, 6 galeries et 1 500 visiteurs en 2015.

Variation. Média Art Fair, du 19 au 23 octobre, Galerie de la Cité internationale des arts, 18 rue de l’Hôtel de Ville, 75004 Paris, tlj 12h-20h, www.variationparis.com. Direction : Anne Cécile Worms ; direction artistique : Dominique Moulon, 40 artistes et 14 000 visiteurs en 2015.

YIA Art Fair, du 20 au 23 octobre, Carreau du Temple, 2, rue Eugène-Spuller, 75003 Paris et hors les murs dans le Marais, tlj 11h-20h, www.yia-artfair.com. Direction : Romain Tichit ; direction artistique : Marion Zilio, 65 galeries.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°465 du 14 octobre 2016, avec le titre suivant : Les foires « off », miroir d’un marché en mutation

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