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Hugo Aveta donne forme au tragique

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 11 octobre 2016 - 536 mots

De plus en plus présent sur la scène internationale, l’artiste argentin capture la désolation du monde avec ses images retravaillées.

PARIS - Jusqu’à il y a peu, Hugo Aveta était surtout connu en Amérique du Sud. Photoquai 2009, la biennale des images du monde du Musée du quai Branly a fait connaître son travail en France, une première visibilité qui ne fait que croître. Quand Christine Barthe, responsable des collections photos du Quai Branly, le rencontre à Córdoba en 2008, Hugo Aveta vient d’achever la série « Espacios Sustraíbles » (« Espaces soustrayables »), des photographies de maquettes d’édifices énigmatiques, à l’abandon ou en ruine, imaginées à partir d’histoires liées à la dictature d’Augusto Pinochet. Ses images dégagent une force évocatrice troublante.

Chez Hugo Aveta, l’histoire, le temps et la mémoire collective convoquent la mort, la disparition, le refoulé et le subconscient, associés à des séquences d’images mentales suggérant la foule, les  affrontements et répressions. Ritmos primarios, la subversiòn del alma, son premier solo show en galerie organisé en 2014 à Paris par Isabelle Mesnil, fondatrice et directrice de NextLevel Galerie, l’aborde à nouveau, à partir d’images de films d’archive sur les violentes manifestations qui ont émaillé l’Argentine durant l’apogée de la crise économique, en 2001 et 2002. Projetées sur une toile émulsionnée, puis à nouveau photographiées avant leur disparition, ces images à la couleur verte (en référence aux lunettes de vision nocturne utilisées lors d’intervention policière ou militaire) catalysent le vent de la révolte et la violence des temps. La vidéo, elle, matrice à partir de laquelle se développent des photographies de différents formats, évoque la place centrale de ce médium dans la création de l’artiste argentin.

L’esthétique du désastre

La photographie n’est en effet qu’un outil parmi d’autres dans son travail. Vidéo, sculpture et installation sont toutes aussi importantes. « El silencio del Mundo », sa deuxième exposition à la galerie NextLevel, permet d’en prendre la mesure avec la vidéo Tracciòn a Sangre (« Jusqu’au sang »). Cette dernière création est encore en matrice de photographies, mais également de sculptures, pièces uniques symbolisant un anéantissement consumé comme l’expriment la maquette d’une ville en ruine couverte de gesso et de cendres de bois ou la colonne d’os réalisée à partir de livres broyés de Proust, Kafka ou Michel Foucault (1 500 €). Cette vidéo en boucle (8 000 €, trois exemplaires) est réalisée toujours sur le même principe d’images d’archives rephotographiées à partir de leur projection sur une toile émulsionnée. Elle  remémore l’origine du désastre dans une opacité noire et blanche et une chorégraphie d’affrontements de foules envoûtante et ambiguë, entretenue par la musique composée par Hugo Aveta.

On devrait retrouver quelques-unes de ses pièces dans l’exposition « Contradiction and Continuity » organisée en 2017 par le Getty Museum. À 51 ans l’artiste colombien connaît un essor rapide notamment encouragé par NextLevel lors de l’exposition de ses photographies pour l’édition 2015 de Paris Photo et que l’enseigne réitère en novembre lors de la vingtième édition du salon. Quant à la fourchette de prix de ses photographies, bien qu’en légère augmentation, elle se situe entre 3 500 et 7 500 € (cinq éditions et deux épreuves d’artiste), chaque photographie n’existant qu’en un seul et unique format.

Hugo Aveta. El Silencio Del Mundo

jusquau 29 octobre, NextLevel Galerie, 8 rue Charlot 75003 Paris, tél. 01-44-54-90-88, www.nextlevelgalerie.com, ouvert mardi-vendredi 11h-19h, samedi 12h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°465 du 14 octobre 2016, avec le titre suivant : Hugo Aveta donne forme au tragique

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