Politique

Le budget 2017 de la culture en trompe-l’œil

La hausse de 5,5 % du budget de la culture pour 2017 claironnée par Audrey Azoulay masque une réalité moins brillante, surtout si l’on prend en compte tout le quinquennat

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 11 octobre 2016 - 1003 mots

La hausse réelle du budget du ministère de la Culture pour 2017 recouvre des situations différentes selon les missions et programmes. Les crédits pour la création augmentent ainsi trois fois plus que ceux du patrimoine. Présentée comme historique, avec des arrières-pensées électorales évidentes, cette hausse n’efface pas les baisses du début du quinquennat.

PARIS - « C’est un budget sans tour de passe-passe », affirmait Audrey Azoulay lors de la présentation de ses chiffres. Si contrairement à l’an dernier avec la redevance d’archéologie préventive (RAP), le projet de loi de finances (PLF) 2017 ne comporte pas de changements de périmètre, la Rue de Valois s’est ingéniée à brouiller la piste pour revendiquer « un budget historique » au risque de se prendre parfois les pieds dans le tapis. Certes le budget de la mission Culture augmente de 5,8 % par rapport à la loi de finances intiale (LFI) 2016 (6,6 % dans les documents remis à la presse), comme l’affirme haut et fort la ministre et c’est bien le message que le Gouvernement veut faire passer. « C’est un meilleur budget que le précédent », reconnaît François de Mazières, député-maire de Versailles et chef de file de l’opposition lors de la discussion parlementaire sur la loi relative à la liberté de création à l’architecture et au patrimoine. « On est plutôt satisfait », admet Xavier Montagnon, secrétaire général du Cipac, la fédération des professionnels de l’art contemporain.

Mais tout dépend de ce que l’on prend en compte. S’il s’agit des crédits de paiement du ministère qui gère quatre missions (culture, mais aussi recherche, médias, audiovisuel), la hausse n’est plus que de 3,1 %. Dans le détail, cette hausse importante de 5,8 % ne profite pas à tout le monde avec la même amplitude. Si les crédits de paiement dédiés au patrimoine augmentent apparemment dans les mêmes proportions que ceux consacrés à la création (3,9 et 4 %), c’est parce que curieusement le Fonds national pour l’emploi dans le spectacle (Fonpeps), accordé par Manuel Valls pour obtenir un accord des partenaires sociaux sur l’intermittence, est logé non pas dans le budget Création, mais dans le budget Transmission des savoirs. Doté de 90 millions d’autorisations d’engagement pour 2017, seuls 55 millions seront dépensés et donc pris en compte en 2017. En réintégrant ces 55 millions dans la mission Création, le budget de celle-ci bondit à 11,4 %. Mais au-delà des astuces de présentation, François de Mazières, tout en rappelant qu’il est attaché au régime de l’intermittence du spectacle, souligne qu’en faisant entrer dans le budget du ministère une partie de ce régime « on ouvre une brèche qui peut s’avérer dangereuse ».

Un budget post-attentat
Moins généreux que pour la création, le ministère s’est cependant donné des moyens supplémentaires pour le patrimoine et les musées. Ainsi par exemple, tout en consacrant 15 millions d’euros au schéma directeur de Versailles (comme l’an dernier), le budget 2017 va permettre d’engager les études et premiers travaux pour le Grand Palais (10 millions) et de continuer les travaux à Fontainebleau (11 millions). Des travaux « urgents » au quadrilatère des Archives nationales sont programmés pour les prochaines années pour un montant de 8 millions d’euros. Très affectés par les conséquences des attentats de Paris, les grands musées et monuments qui enregistrent à la fois une baisse de leur fréquentation et donc de leurs recettes et une hausse des coûts de sécurité vont pouvoir augmenter leurs effectifs : cinquante postes supplémentaires dans les musées nationaux, trente-cinq à Versailles, trente-six au Centre des monuments nationaux et deux à Fontainebleau.

Les arts plastiques sont en apparence particulièrement gâtés avec une hausse de 8,6 %. Mais comme cela concerne une base plus faible (77 millions, soit dix fois moins que le spectacle vivant, « un déséquilibre persistant » qu’épingle Xavier Montagnon), les moyens supplémentaires ( 6 millions) sont moins glorieux. Surtout quand la totalité de cette hausse est absorbée par la construction des nouvelles réserves du Centre national des arts plastiques (Cnap) en proche banlieue parisienne (pour un budget total de 16 millions) dont le bail à la Défense de l’un des trois sites se termine en 2018. Des économies réalisées on ne sait où vont cependant permettre d’augmenter de 0,60 millions d’euros les subventions aux centres d’art, toujours dans l’attente de leur label.

Campagne électorale
Anticipant le débat sur le budget de tout le quinquennat Hollande, dans la prochaine campagne électorale, la ministre, forte de son budget 2017, a voulu le comparer avec celui de la dernière année de Nicolas Sarkozy. Malgré des trésors d’invention dans la présentation, les chiffres ne sont pas flatteurs. Le budget du Patrimoine baisse ainsi de 8 %, celui de la Création   de 1,3 %, et si le budget global de la mission Culture augmente de 2,1 %, c’est grâce au Fonpeps. Sans cela, il serait stable. Pointant la hausse de 12 % des crédits d’acquisition en 2017 (9,94 millions d’euros), elle omet de préciser que ces crédits étaient de 16,70  millions d’euros en 2012. Surtout, cette présentation d’une année sur l’autre gomme les baisses des premières années. François de Mazières a refait ses comptes, « en cinq ans, le budget du patrimoine a perdu en cumul 468 millions d’euros ». Xavier Montagnon souligne, lui aussi, que les hausses de 2017 ne compensent pas les baisses de 2013 et 2014, regrettant par ailleurs « qu’elles n’interviennent qu’en fin de mandat ».

Il se pourrait bien aussi que les 5,8 % de hausse s’effilochent les prochains mois. D’abord au cours du débat parlementaire (mais c’est peu probable), et plus sûrement en cours d’exécution. Il n’est pas dit que la conjoncture économique permettra de dégeler tout ou partie des 8 % de crédits de paiement hors dépenses de personnel, soit environ 170  millions d’euros. Si d’aventure il n’y avait pas de dégel, le budget 2017 serait inférieur à celui de 2016. Enfin, rappelons que si les votes confirment les sondages, il devrait y avoir une autre majorité le 8 mai prochain et peut-être un autre budget de la culture.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°465 du 14 octobre 2016, avec le titre suivant : Le budget 2017 de la culture en trompe-l’œil

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