École d'art

Écoles d’art, des frais d’inscription contenus et problématiques

Par David Robert (Correspondant à Rio de Janeiro) · Le Journal des Arts

Le 13 septembre 2016 - 1165 mots

5 ans après la réforme, l’autonomie des écoles n’a pas entraîné d’augmentation significative des droits d’inscription, qui restent faibles au détriment de l’équilibre budgétaire de ces établissements.

Atelier des 5e années de l'Ecole Supérieure d'Art et Design Toulon Provence Méditerranée
Atelier des 5e années de l'Ecole Supérieure d'Art et Design Toulon Provence Méditerranée
Photo Olivier Pastor
© TPM

L’enseignement artistique en France a commencé sa modernisation. Les écoles supérieures d’art (ESA) qui ont adopté le processus de Bologne ont toutes des cursus de cinq ans, le Diplôme national supérieur d’enseignement plastique (DNSEP) valant grade de master. La plupart mettent en place des cycles de doctorat, valorisant la recherche et la pluridisciplinarité. Hormis les neuf établissements restés sous la tutelle directe du ministère de la Culture, la trentaine d’écoles dites territoriales, devenues des établissements publics de coopération culturelle, dépendent désormais des collectivités locales. Suite à cette nouvelle donne,une explosion des frais de scolarité, venant compenser les désengagements publics redoutés, était à craindre. À l’heure de la rentrée des classes, cinq ans après l’adoption généralisée des nouveaux statuts, un aperçu des tarifs contredit cette prévision.

L’entrée dans un des vingt-cinq établissements public de coopération culturelle (EPCC) menant à un master coûte en moyenne 550 euros (hors sécurité sociale étudiante), contre 433 euros dans une des neuf écoles nationales soit une moyenne nationale tous statuts confondus de 517 euros. Ce montant place les ESA légèrement au-dessus de la moyenne des universités publiques françaises pour les diplômes de master (256 €) et des écoles nationales d’architecture (369 euros pour le premier cycle, 506 euros pour le master). Évidemment, les écoles d’art restent loin des grandes écoles privées ou semi-privées (commerce, IEP) et de leur échelle tarifaire très large (jusqu’à 15 000 euros par an, avec de nombreux paliers pour les différents niveaux d’élèves boursiers). Elles sont également en deçà des grandes écoles d’ingénieur publiques dont la plupart restent fixées par arrêté ministériel (jusqu’à 5 000 euros). Du point de vue des salaires à la sortie, du taux d’insertion (voir JdA n° 445, novembre 2015) et de l’investissement matériel des établissements, le prix des écoles d’art reste donc cohérent avec la tradition égalitaire de l’université française. Un coup d’œil à l’étranger (la prestigieuse Saint Martins School de Londres facture plus de 10 000 euros l’année) le confirme également.

Des tarifs très divers
On peut néanmoins relever depuis quelques années une hausse supérieure à l’inflation. En deux ans (données de 2014), les tarifs ont augmenté en moyenne de 100 euros (soit 22 %). L’École supérieure d’art du Nord-Pas-de-Calais (Dunkerque et Tourcoing) est la seule à avoir baissé ses frais d’inscription, il est vrai élevés (-10 %, soit 650 euros). À l’inverse, les plus fortes augmentations n’excèdent pas 270 euros : Marseille, la moins chère de France en 2014, double ses frais mais reste inférieure à la moyenne nationale, avec 500 € annuels.

Si les écoles nationales exonèrent intégralement les boursiers des frais d’inscription, seules deux écoles territoriales ont choisi cette solution. Les trois quarts des ESA aménagent en revanche les frais, selon les critères des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Au sein des écoles d’art nationales comme territoriales, les boursiers représentent en moyenne 40 % des étudiants, années et échelons confondus. Au sein des EPCC, on peut interroger la pertinence d’un système de bourses qui offre parfois sept échelons différents entre 300 euros (au minimum) et 600 euros (tarif plein) d’inscription annuelle : l’exonération totale des plus pauvres ne constituerait pas un important manque à gagner, le cas échéant facilement compensé par l’augmentation de la tranche supérieure. Enfin, à Valenciennes, Nîmes, Toulon ou encore Annecy, les frais diffèrent pour les ressortissants d’une autre académie, d’une autre région (malgré la logique d’harmonisation nationale qui prévaut) ou pour les étudiants hors-UE (Toulon). On le voit, les différences sont nombreuses et le tableau général y perd en lisibilité. De Toulouse (250 euros) à Strasbourg (850 euros), les infrastructures disponibles ne se valent pas (médiathèque, matériel disponible, taux d’encadrement). A fortiori devant la faible amplitude des tarifs (600 euros d’écart maximal parmi quarante écoles), la différenciation est donc peu lisible.

C’est dans ce souci de clarification que le ministère de la Culture, dans un courriel envoyé fin août à tous les directeurs d’ESA, a préconisé que les écoles territoriales alignent leurs tarifs sur ceux des écoles nationales. Emmanuel Tibloux, président de l’Association nationale des écoles d’art (Andea), s’est félicité du souhait d’harmonisation tout en soulignant que cet « alignement » n’aurait de sens que s’il concernait aussi la politique d’aide sociale et d’autres questions statutaires (*).

Fragile équilibre budgétaire
À l’heure d’un marché mondial de la formation, comment ce système de prix est-il perçu ? Des directeurs pointent du doigt les deux faces de la médaille française : d’un côté, la réputation et la quasi gratuité des écoles françaises amènent dans notre système des étudiants étrangers n’ayant pas les moyens de faire les mêmes études dans leur pays; de l’autre, « dans beaucoup de pays où la culture universitaire est d’associer le prix d’une école à son prestige, nos écoles quasi gratuites ne sont pas prises au sérieux », explique l’un d’entre eux, qui peine à attirer des étudiants chinois. L’argument n’est pas spécifique aux écoles d’art et pourrait s’appliquer à toute l’université française. Le taux d’étudiants étrangers dans les ESA reste faible (moins de 10 %) et plusieurs directeurs espèrent l’augmenter.

Alors que toutes les écoles pointent du doigt leurs contraintes budgétaires, que certaines ont fermé (Perpignan) ou menacent de prendre le même chemin (Avignon), quels freins ont empêché les conseils d’administration d’augmenter les prix ? D’abord, comme l’a souligné le ministère, une différence trop grande entre nationales et territoriales serait incohérente, étant donné la parenté des cursus. Notons par ailleurs que l’État reste présent, quoique minoritaire, au conseil d’administration de nombreux EPCC. Le second argument est une donnée purement arithmétique : les frais d’inscriptions constituent en moyenne 5 % des recettes totales des établissements. Seule une augmentation massive des frais, forcément mal vue, pourrait changer significativement les équilibres budgétaires. Dans les écoles les plus modestes, ce chiffre peut atteindre 10 % ; elles ont alors calculé le coût d’un alignement sur le tarif des écoles nationales à un manque à gagner allant de 50 à 100 000 euros. À l’heure de la rigueur, la question n’est donc pas symbolique pour tout le monde.

Pour augmenter les ressources propres en dehors des subventions publiques et du mécénat, les écoles ont recours à d’autres stratégies utilisant les compétences disponibles : dans la quasi-totalité des ESA, les formations parallèles rapportent au moins autant que les cursus diplômants, avec un investissement moindre. À Lyon, les classes préparatoires (voir JdA n° 453, mars 2016) offrent un petit complément budgétaire, comme à Dunkerque et Tourcoing, où le cursus « FLEA », réservé aux étrangers non francophones, est facturé 2 950 euros par an, mais à une toute petite poignée d’élèves. À l’École nationale supérieure de photographie d’Arles, la formation continue (voir JdA n° 458, mai 2016) est devenue un centre de profit important. La Haute école des arts du Rhin, qui a ouvert son école d’été cette année, espère en tirer pareil profit d’ici quelques années.

Note

(*) Emmanuel Tibloux tient à préciser que les écoles territoriales ne peuvent accepter une harmonisation qu’à la condition que celle-ci ne consiste pas en un alignement des tarifs sur les tarifs des écoles nationales, qui sont trop bas pour les EPCC. "En d'autres termes, il s'agirait de renégocier la politique tarifaire générale, écoles nationales incluses".

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°463 du 16 septembre 2016, avec le titre suivant : Écoles d’art, des frais d’inscription contenus et problématiques

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