Cuisine

La création se met à table

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 13 septembre 2016 - 424 mots

Dans une ancienne brasserie, 15 artistes envisagent la société via la relation de l’art à la nourriture.

FONCQUEVILLERS -  Sus à la malbouffe, mais oui au plaisir de manger ; tel est le cri de guerre lancé par cette exposition à Foncquevillers (Pas-de-Calais) qui prend place dans un contexte peu commun, des locaux bruts dans lesquels le lissé et la pâleur du white cube n’ont pas droit de cité. Elle se tient en effet dans une ancienne brasserie familiale dont l’activité a cessé en 1914, dont les espaces accueillent une fois par an depuis 2011, en été, une exposition d’art contemporain en plus de recevoir des artistes en résidence. Portée par Véronique Damagnez, une ancienne directrice photo du magazine Vogue, l’initiative est méritoire dans des territoires ruraux du Nord de la France, où l’art contemporain, déjà une denrée rare, demeure pour beaucoup un étrange objet.

Dans cette proposition intitulée « (Sus)tentations », différents aspects du lien à la nourriture et à l’alimentation sont évoqués, des plus triviaux aux plus sensibles, avec en ligne de mire leurs implications comportementales et sociales. Parmi les quinze artistes conviés, c’est Wolfgang Laib qui entraîne l’esprit dans les contrées les plus élevées et spirituelles avec, posée au sol, une maison noire en granit noir cernée de grains de riz qui lui opposent leur blancheur (Ruishaus, 2011) ; une œuvre, comme souvent avec l’artiste allemand, qui s’appuie sur une symbolique propice à une activité contemplative.

Transformation de la matière
À l’inverse Marie-José Burki, qui s’est notamment intéressée au rituel du repas, en filmant en gros plan et sans détours les mains d’un chef étoilé et ses gestes parfois violents, s’intéresse ici à la mutation d’une volaille en fricassée prête à être dégustée (Chicken, 1999). Les processus de transformation à l’œuvre sont également explorés par Emma Perrochon dont la série Marées (2014), initiée lors d’une résidence à La Brasserie, consiste en la réinterprétation d’une saucière qui, une fois recréée avec sept céramiques blanches offrant des textures différentes, se charge de nouvelles images et symboliques, d’autant plus qu’elles sont redressées sur le mur. Chez Aline Morvan c’est à la fois geste et la matière comestible qui sont source d’ambiguïtés, avec un tas d’épluchures noires qui, de loin, pourraient ressembler à des moules ou du charbon, mais proviennent en fait de blocs de terre qui ont été épluchés à l’aide d’un économe avant d’être enfumés (Épluchez, 2011). Quant aux photographies de la série Fictitious Dishes (2012) de Dinah Fried, elles figurent des plats imaginaires inspirés par la lecture de romans ; de quoi bousculer encore un peu plus usages et habitudes.

(SUS)TENTATIONS,

jusqu’au 30 septembre, La Brasserie, 5, rue Basse, 62111 Foncquevillers, tél. 06 87 91 57 82, www.artbrasserie.com, sam et dim 11h-18h et sur rdv, entrée libre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°463 du 16 septembre 2016, avec le titre suivant : La création se met à table

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