Fondation

La FNAGP en quête de notoriété

Longtemps restée discrète, la fondation qui soutient les artistes souhaite élargir son champ d’action.

Sise dans son magnifique hôtel Salomon de Rothschild du 8e arrondissement de Paris, la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques (FNAGP) : avare en communication, mais bien connue du milieu des artistes, sa commission mécénat a distribué près de 3 millions d’euros en cinq ans à plus de 200 artistes. Soit entre dix et quarante fois le montant de production alloué sur la même période par des mécènes comme les Galeries Lafayette, Ricard, Meurice… En revanche, point d’exposition dans un grand lieu ni de promotion : le soutien consiste exclusivement en un financement de la production, sans aucune édition ni aide à la diffusion. Hormis les bourses du Centre national des arts plastiques (CNAP) et les petites aides des Directions régionales des affaires culturelles (Drac), le positionnement du mécénat de la FNAGP sur la scène française, avec l’accompagnement complet – production, diffusion, édition, promotion – de l’artiste « émergent » fait plutôt figure de modèle singulier.

Deux donations fondatrices
D’où vient cette particularité ? De son histoire atypique et de son champ d’action très large. En 1976, Bernard Anthonioz, alors directeur de la création artistique au ministère de la Culture (Françoise Giroud vient de s’y installer), a l’idée de réunir deux donations faites à l’État. La première est un important legs immobilier consenti en 1922 par la baronne Hannah Charlotte de Rothschild ; la seconde, consentie par les sœurs Madeleine Smith-Champion et Jeanne Smith en 1944, contient notamment une maison de retraite située à Nogent-sur-Marne, réservée aux artistes. Dans les deux cas, le soutien aux artistes est une condition principale de la donation. En décembre 1976, l’État crée par décret une fondation privée sui generis, chargée d’administrer les deux legs. Depuis lors, elle gère une centaine d’ateliers d’artistes dans Paris, plusieurs immeubles de rapport qui financent l’essentiel de son budget annuel et cet établissement atypique qu’est la Maison nationale des artistes, au statut d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). En 2006, la FNAGP crée la Maison d’art Bernard Anthonioz (Maba) dans une de ses propriétés de Nogent. Ce centre d’art est aujourd’hui membre du réseau Tram (association fédérant des lieux engagés dans la production et la diffusion de l’art contemporain en Île-de-France).

De la Maba à l’hospice pour artiste retraité en passant par le parc d’ateliers-logements, le spectre unique de la FNAGP explique aussi le positionnement de la commission mécénat créée en 2011 : les sept membres de la commission (1) ne visent pas les plus jeunes artistes, mais ceux dont la carrière a décollé, dont des projets ambitieux appellent financement (les montants alloués varient entre 10 000 et plus de 50 000 euros sur approbation exceptionnelle du conseil d’administration). La plupart des artistes soutenus depuis cinq ans se classent entre la 50e et la 300e place de l’Artindex France. Les intéressés ne cachent pas leur satisfaction. « Souvent, on doit faire un projet en fonction du budget.

Avec la FNAGP, on peut construire son budget en fonction du projet. C’est plus logique et plus cohérent avec la démarche artistique ». Renaud-Auguste Dormeuil fait partie des 213 chanceux ayant vu son dossier retenu par cette commission « chez qui on sent le souci de compréhension de notre travail », ajoute l’artiste. Sylvain Lizon, directeur de l’École nationale supérieure d’art de Paris-Cergy, est membre du jury 2016-2017 : « La commission ne recherche pas son propre label. Ni en termes d’émergence (certains sont déjà reconnus), ni en termes de discipline, où l’on peut se permettre de lorgner vers la performance, le cinéma… » Cette liberté est aussi un luxe issu de ses donateurs : « les Rothschild n’ont rien à prouver dans leur soutien à la chose artistique », conclut-il.

Augmenter le nombre de sollicitations
La critique pourrait donc venir de ceux qui ne bénéficient pas de cette aide, ceux qui ne sont pas ou peu apparentés au milieu parisien de l’art contemporain. En effet, parmi les artistes retenus par la commission, on reconnaît bon nombre de bénéficiaires des bourses du Centre national des arts plastiques, de nombreux lauréats des grands prix cités plus haut. Cinq artistes ont même été soutenus deux fois. L’impression d’entre soi est sans doute inhérente à toute commission composée de professionnels reconnus. Mais Laurence Maynier, nommée en avril dernier à la tête de la FNAGP en remplacement de Gérard Alaux, a fait de l’ouverture un de ses objectifs : « nous risquons de crouler sous les dossiers, mais nous devons nous ouvrir davantage », explique celle qui a notamment passé dix ans au ministère et huit années à la direction de la communication et du mécénat des Beaux-Arts de Paris. Pourquoi ? Parce que « respecter la volonté des donateurs, c’est s’ouvrir à un maximum d’artistes, d’autres générations, régions, courants ». La commission devrait ainsi bientôt préciser certains critères, sur le taux de renouvellement, l’ouverture géographique ou encore les montants. Il s’agit aussi de pérenniser l’action de la FNAGP en suscitant d’autres legs, « ce qui passe par une plus grande notoriété, mais surtout une connaissance plus fine des activités de la fondation », ajoute Laurence Maynier, qui avoue avoir découvert l’étendue des actions de la FNAGP en y postulant.

La discrétion de l’ère Rothschild a fondé une maison solide. Le binôme Cerruti-Maynier semble désormais engager la FNAGP dans un nouveau cycle, fait de nombreux chantiers : reprise en main de la gestion de la Maison nationale des artistes, nouveau partenariat avec les écoles d’art (c’est Arles, la première, qui va en bénéficier dès cette année), collaboration avec le ministère sur la politique de logement, ouverture publique de l’hôtel de Rothschild, développement d’une action de promotion des artistes français à l’étranger… La FNAGP sort de sa zone de confort et c’est une page qui se tourne.

(1) Note

Outre le président de la FNAGP, Guillaume Cerruti, qui a remplacé Éric de Rothschild en novembre 2015 après ses 27 ans de présidence, on trouve deux représentants du ministère et quatre personnalités qualifiées, qui sont cette année Caroline David, Esther Ferrer, Sylvain Lizon et Miguel Magalhaes.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°463 du 16 septembre 2016, avec le titre suivant : La FNAGP en quête de notoriété

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