Ventes aux enchères

Ventes aux enchères publiques

Bilan : le marché plonge

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 6 juillet 2016 - 822 mots

Plombées par la réduction des prix garantis, les grandes ventes internationales accusent un trou d’air.

« Bound to fail » : littéralement, « voué à échouer ». Le titre un brin provocateur de la vente « curated » [par un commissaire] organisée en mai à New York par Christie’s, était une juste traduction de la tendance adoptée par le marché de l’art impressionniste, moderne et contemporain au premier semestre. Le ralentissement n’était-il pas inéluctable, après plusieurs sessions de hausse, celle-ci étant exponentielle pour le volet contemporain ? C’est dans ce domaine que le phénomène a été particulièrement tangible. Dès le mois de février, à Londres, la baisse était importante : le cumul des ventes du soir de Sotheby’s et Christie’s était inférieur de plus de 45 % à celui de 2015 à la même époque. En juin, dans le climat d’incertitude post-« Brexit », la baisse était de 60 %, avec plusieurs records tirés par une livre sterling au plus bas niveau face au dollar depuis trente ans.

À New York, retour à 2011
À New York, le phénomène était encore plus marqué. Les vacations du soir des anglo-saxonnes, qui illustraient le mieux les envolées et les excès du marché, faisaient pâle figure par rapport à l’année dernière. Avec un total de 560 millions de dollars (env. 504 millions d’euros), elles affichaient une baisse de 46 %, ce indépendamment de la vente spéciale « Looking forward to the past » organisée en 2015 par Christie’s. On observait une réduction à la fois du nombre de lots « trophées », cédés au-dessus de 10 millions de dollars (plus de 9 millions d’euros), mais aussi du nombre global de pièces proposées. Les ventes sont ainsi revenues au niveau enregistré en 2011.

À Paris, la baisse, de l’ordre de 25 %, était plus mesurée, mais c’est dans la collection d’art contemporain Marcie-Rivière, dispersée en parallèle des ventes du soir chez Christie’s, que se trouvait la plus grande concentration de lots de qualité. À Hongkong, enfin, les grandes ventes affichaient un montant global de transactions légèrement inférieur à celui de l’an passé. « Paris fait exception, comme Hongkong », notait Stefano Moreni au sortir des ventes parisiennes.

Ce ralentissement s’est également fait sentir en art impressionniste et moderne. Les vacations du soir de Christie’s et Sotheby’s ont ainsi reculé de 43 % à Londres, à un niveau même inférieur à celles de juin 2015, alors qu’elles sont traditionnellement les plus élevées. En juin, ces ventes étaient à nouveau en forte baisse, marquées par une contre-performance de Christie’s, qui totalisait un quart du total de Sotheby’s. À New York, ce cumul a baissé de moitié (à nouveau hors vente spéciale), notamment en raison de la contre-performance de Sotheby’s qui est repartie avec 40 % de ses lots. À noter, la programmation de ces ventes la même semaine que celles d’art contemporain n’a guère entraîné les acheteurs. À terme, le volet impressionniste pourrait être présenté en dehors de l’art moderne. « Il me semble que les tableaux impressionnistes, dont l’offre au plus haut niveau de qualité est de plus en plus rare, devront être offerts avec ceux du XIXe siècle », indique ainsi Philippe Ségalot, art advisor (conseiller en art). Les ventes de prestige parisiennes, qui ont eu lieu en mars chez Christie’s, en juin chez Sotheby’s, enregistraient un recul moins sensible, d’environ 25 %, mais les chefs-d’œuvre n’étaient pas au rendez-vous et aucune des deux maisons n’est parvenue à vendre un lot au-dessus de la barre du million d’euros.

Des garanties qui faussent le marché
Dans les deux disciplines phares du marché, c’est la réduction importante du nombre de garanties offertes aux acheteurs qui explique en partie le recul très important des sessions de New York et Londres. Significativement, Christie’s, qui avait garanti plus de 50 lots en 2015 à New York en mai, n’en proposait plus qu’une petite vingtaine, pour un nombre de lots certes réduit. « Les garanties étaient la colonne vertébrale du marché, et le faussaient totalement. Maintenant qu’elles ont disparu, il y a une difficulté à proposer de bonnes ventes », observe Stephane C. Connery, art advisor. Dans un marché plus sain, doté d’estimations plus raisonnables, c’est donc avant tout l’offre qui se réduit, la demande étant toujours au rendez-vous, comme en témoignent les taux de vente, globalement satisfaisants. « Quelques gros acheteurs, moyen-orientaux, russes ou encore américains, ont été moins actifs cette saison en raison de la baisse des prix du pétrole », relève tout de même un observateur du marché.

Faut-il s’alarmer de ce sérieux ralentissement des ventes publiques ? Pour Stephane Connery, « le marché n’est pas radicalement différent. Effectivement nous n’observons pas les prix faux obtenus il y a un an ou deux avec les garanties. Les enchères ont des difficultés, mais ce n’est pas le cas pour le reste du marché ». L’une des conséquences de cette baisse globale est l’attrait que présente le marché privé, que plusieurs conseillers en art voient évoluer favorablement ce premier semestre. Deux œuvres de Pollock et de De Kooning provenant de la Fondation David Geffen ont ainsi été acquises par le gérant de hedge fund [fonds spéculatif] Ken Griffin pour la somme de 500 millions de dollars.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : Bilan : le marché plonge

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