Accidents

La réparation d’œuvres d’art détruites

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 6 juillet 2016 - 593 mots

Accident domestique, bris involontaire ou encore vengeance d’une ex-épouse, la jurisprudence récente est riche d’exemples en destruction d’œuvres et modalités de leur réparation.

« Ne te balance pas sur ta chaise » est un avertissement que nombre de parents donnent à leur enfant. Mais lorsque ce dernier bascule, se rattrape par réflexe à une œuvre fragile et l’entraîne dans sa chute, la peine subie n’est pas pour la progéniture mais bien pour les parents. D’autant plus lorsque l’œuvre ne peut être restaurée conformément aux volontés de l’artiste. À eux de tenter alors de faire jouer leur police d’assurance afin d’obtenir réparation. Après l’intervention de l’expert de la compagnie, d’un huissier de justice, les propriétaires d’un des exemplaires de la sculpture Blast de Mauro Perucchetti, constituée de 32 grenades sur Plexiglas, ont dû s’armer de patience pour obliger judiciairement leur assureur à les indemniser. La cour d’appel de Paris leur a donné raison, le 29 mars 2016, face aux contestations avancées. Le sinistre n’avait pas un caractère inéluctable, malgré les dires de l’expert affirmant que les vis de fixation avaient un diamètre insuffisant pour supporter le poids de l’œuvre, en l’occurrence qu’aucune faute intentionnelle n’avait été commise par les assurés. Quant à la réparation, au vu de la valeur retenue par l’expert commis (entre 50 000 et 100 000 euros) et de divers documents produits, la valeur de remplacement fut fixée à 70 000 euros.

Se fier au prix d’œuvres similaires sur le marché
« Fais attention » constitue un autre conseil souvent bien trop tardif, surtout lorsqu’il est prodigué après une réception au Procope, célèbre restaurant parisien, et que le convive semble agité. Un mouvement brusque et inopiné suffit ainsi à faire choir une œuvre posée sur le bureau d’une galeriste chez qui la soirée se poursuivait. L’œuvre d’Arman, composée de polyester dans lequel sont incluses des tulipes, a elle aussi été considérée comme irréparable. La galeriste réalisait une déclaration de sinistre tout en transmettant à son assureur les coordonnées de l’étourdi, avant que celui-ci ne conteste le montant du dédommagement sollicité. La cour d’appel de Paris a retenu, le 6 mai 2016, la responsabilité de ce dernier tout en rappelant que « le préjudice causé par un responsable quasi délictuel doit être évalué au jour du jugement ». Or, selon la cour, il résulte des éléments du dossier, constitué des attestations établies par des professionnels de l’art et des résultats de ventes, que l’œuvre brisée était unique mais qu’il est possible de trouver sur le marché des œuvres similaires du même artiste à des prix allant de 1 500 à 3 500 euros. La réparation est ainsi fixée à 4 000 euros, la galeriste étant particulièrement attachée à cette œuvre qui lui avait été personnellement donnée par l’artiste.

« Tu l’as bien cherché » furent sans doute les mots qui traversèrent l’esprit de l’ex-épouse animée d’une volonté de vengeance contre son ancien mari, lorsqu’elle détériora volontairement les tableaux de celui-ci. Elle-même reconnut avoir agi sous le coup de la colère, en raison des circonstances de la rupture et des agissements de son conjoint. Bilan : trois tableaux, une lithographie et des objets vandalisés, non sans quelque message personnalisé. Ainsi, à la place de l’inscription « L’art me ment », apposée originellement sur l’œuvre de Miss. Tic détériorée, fut marqué au feutre rouge « [X…] me ment ». Mais l’esprit de vengeance semble avoir basculé d’un protagoniste vers l’autre, l’ancien époux produisant dans un intervalle de deux ans et demi des devis de réparation dont les montants avaient été multipliés par six. La cour d’appel de Paris, le 16 juin, a préféré s’en tenir aux premiers éléments produits et n’a prononcé qu’une condamnation complémentaire d’un euro au titre du préjudice moral subi.

Légende Photo

Mauro Perucchetti, Blast, 2006, acrylique et acier chromé, 100 x 183 cm. © Mauro Perucchetti.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : La réparation d’œuvres d’art détruites

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