« Galeries »

Les galeries sortent le grand jeu

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 9 juin 2016 - 1129 mots

C’est à la foire de Bâle que les galeries du monde entier réservent en général
leurs plus belles œuvres, dénotant cette année une tendance marquée pour la peinture.

Très en vogue, la peinture actuelle est assez présente sur le salon. Ainsi David Kordansky (Los Angeles) annonce-t-il de nouveaux tableaux signés de plusieurs noms ayant titillé le marché ces derniers temps, de Jonas Wood à Harold Ancart, en passant par Chris Martin, Jon Pestoni ou Lesley Vance. Une installation de Betty Woodman et des sculptures d’Aaron Curry viennent compléter l’ensemble. Chez Casey Kaplan (New York), il est possible de dénicher des œuvres récentes de l’Américain Jonathan Gardner, qui, entre fausse naïveté et clins d’œil à un art des débuts du XXe siècle, propose une figuration très plane et solidement construite. De même que dans un tout autre registre visuel sont très solidement construites les compositions abstraites de Sarah Crowner et de N. Dash.

La peinture en nombre
Sur le stand de 303 (New York), sont présentés des tableaux de Karen Kilimnik figurant des paysages et des scènes d’intérieur, pour certains très récents, pour d’autres datant du début des années 2000. Plusieurs peintures de Mary Heilmann étaient attendues également, de même qu’une plaque de céramique de Nick Mauss et une nouvelle sculpture en aluminium moulé de Jacob Kassay.
Peinture également chez PKM (Séoul), avec notamment des travaux de la fin des années 1970 du Coréen Yun Hyong-keun, lequel, grâce à la peinture à l’huile déposée sur des toiles en coton, convoque des formes sombres qui semblent progressivement se diluer vers le fond. Il partage l’affiche avec des tableaux récents de Hyunjin Bek, qui livre une nouvelle fois des paysages fragmentés et tourmentés inscrits dans une amorce de narration.
Le stand de Lelong (Paris, New York) est très pictural lui aussi, avec notamment deux tableaux bicolores de Günther Förg de 1993, de nombreux petits paysages d’Etel Adnan et quelques éditions de « iPad Drawings » de David Hockney, exécutés en 2010. La galerie présente également un grand Díptic nocturn d’Antoni Tàpies, dont les deux volets sont reliés par une structure en bois porteuse d’un coussin qui évoque un lit ; il a été réalisé en 1993, année où le peintre représenta l’Espagne à la Biennale de Venise.

C’est en photo qu’apparaît Günther Förg chez Nagel Draxler (Berlin, Cologne), où il figure dans l’une de ces étranges photographies du duo Clegg & Guttman à l’esthétique très léchée  des années 1980, entre images de mode et affirmation d’un certain pouvoir (Artist and Models, 1986).
Après lui avoir consacré un magnifique accrochage lors du dernier Gallery Weekend berlinois, Meyer Riegger apporte des tableaux de Miriam Cahn, notamment une composition de 2007 dans laquelle la figure se fait presque anecdotique au profit d’une composition virtuose de l’espace, subtilement traitée par imbrications de couleurs qui semblent se contaminer les unes les autres. Les rejoignent des figures et installations d’Eva Kotatkova, notamment des instruments de mesure du monde qui ressemblent surtout à de sombres engins de torture (Ales’s devices to measure the world, 2016).
Chez Barbara Wien (Berlin) il est possible de s’arrêter devant la Suédoise Nina Canell, qui ne cesse d’attirer l’attention. Est présentée une de ses sections de câble de fibre optique tranché, ici pris dans un bloc de résine transparente ; un regard simple et efficace sur l’omniprésence de la communication, la transmission et la réception dans la société contemporaine. Du câble, mais d’un autre genre, Jimmie Durham en fait usage également dans son installation Electric datée de 1995. Relié à une prise, un cordon électrique interrompu par quelques objets parcourt le mur jusqu’à une pince d’écrevisse.

« Vibrations » dynamiques et poétiques
C’est avec un véritable projet qu’arrive la galerie A Arte Invernizzi (Milan). Intitulé « Vibrations », son accrochage s’intéresse à des œuvres où l’image ne relève pas d’une construction statique, mais plutôt d’une présence active dans laquelle peinture, lumière, forme et structure vont ouvrir des territoires et des visions inattendues. Gianni Colombo engendre des relations dynamiques entre l’espace et le regard dans ses tableaux. Ainsi d’un savant assemblage d’élastiques entremêlés (Spazio elastico, 1973-1980) ou d’un quasi hypnotique Espace courbe suspendu au plafond et en légère rotation. Il est rendu hommage à François Morellet à travers plusieurs interactions de néons avec des toiles carrées blanches, de même qu’Alan Charlton avec des œuvres jouant leur subtile partition sur les nuances du gris dans des enchaînements de tableaux, identiques du point de vue du format mais pas des tonalités (notamment un 8 Parts de 1985).

Réunissant quatre artistes, GB Agency présente un projet cette fois centré sur les différentes manières dont les œuvres d’art altèrent notre perception du réel. On s’arrêtera particulièrement devant de formidables objets de Robert Breer, mêlant à la fois incongruité et poésie, à l’exemple d’un pot de fleurs d’où s’échappe une simple tige noire qui se meut lentement (Untitled (Flower Pot), 1962), mais aussi des œuvres de Roman Ondak qui s’ingénie à bouleverser usages et catégories. Ils sont rejoints par Ryan Gander et Mark Geffriaud. Le stand de Skopia (Genève) propose des travaux très construits, notamment une installation murale de Franz Erhard Walther (1989-1990) constituée de volumes géométriques recouverts de toiles de coton de couleurs, qui suscitent une forme de corporalité, mais aussi des séries de gouaches sur papier de la Bâloise Silvia Bächli questionnant le corps sans jamais le figurer.

Dans un registre plus moderne ou classique, la Galerie 1900-2000 (Paris), toujours très éclectique dans ses accrochages, se focalise cette année sur Hans Bellmer et ses poupées. À côté de tirages argentiques recoloriés datés de 1949 (ou parfois plus anciens) et de quelques dessins (crayon sur papier, ou crayon et gouache sur papier coloré des années 1930), sont également proposés quelques livres imprimés, tel La Poupée de 1936. Un Paysage cosmique (1938-1939) de belles dimensions (73,2 x 92 cm) d’Oscar Dominguez et un petit paysage de Zao Wou-ki (1967) complètent l’ensemble.
Tout à son intérêt pour la peinture d’après guerre européenne, Applicat-Prazan (Paris) présente quelques tableaux importants. Une Grande composition bleue toute en retenue et tonalités sombres de Nicolas de Staël, datée de 1950-1951 (200 x 150 cm), qui figurait dans la rétrospective du Centre Pompidou en 2003, ne manquera pas d’attirer l’attention. Elle voisine notamment avec un grand Soulages de 1958 (Peinture 195 x 130 cm, 21 août 1958) et un Dubuffet très « terrien » et terreux inspiré par La vie à la campagne (1949).

Pour sa quarantième participation à Art Basel, Massimo Minini (Brescia) ne s’enferme pas dans une esthétique du passé ou dans sa confortable histoire. Outre qu’il fait cette année encore cohabiter les générations en mêlant les travaux de Giulio Paolini, Sheila Hicks ou Enzo Mari avec ceux de Landon Metz ou Ariel Schlesinger, il a aussi conçu, en compagnie de Jonathan Monk, avec qui il entame une toute nouvelle collaboration, un livre revenant sur l’histoire de cette présence bâloise. C’est ce qui s’appelle regarder dans le rétroviseur afin de continuer à aller de l’avant.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°459 du 10 juin 2016, avec le titre suivant : Les galeries sortent le grand jeu

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