Ventes aux enchères

Design

Les Lalanne et les Giacometti en vedette

Ventes publiques

Par Éléonore Thery · Le Journal des Arts

Le 8 juin 2016 - 834 mots

Le mobilier de sculpteurs a remporté un vif succès, dans une saison parisienne fortement soutenue par la clientèle asiatique.

PARIS - Ouverte par un petit couteau en argent de Joseph Hoffmann proposé le 24 mai rue du Faubourg-Saint-Honoré, la saison des ventes de design a été brillante. Sotheby’s, Christie’s et Artcurial ont toutes trois largement dépassé leurs estimations. L’américaine a atteint son plus haut résultat depuis son implantation en France : estimés entre 4,2 et 5,9 millions d’euros, ses 192 lots ont atteint 7,8 millions d’euros.

Chez Christie’s, la vente, plus resserrée, de 50 lots, a totalisé le 25 mai 3,95 millions d’euros, au-delà des 2 à 2,8 millions d’euros attendus. S’ajoutait une vente du jour, présentant pour la première fois en photographie, art contemporain et estampes, en parallèle du design (1 M€). Chez Artcurial encore, le 31 mai, la vente généraliste dépassait son estimation (1,4 M€), totalisant 2 millions d’euros, tandis que sa vacation spécialisée sur les créations scandinaves restait légèrement en deçà des attentes (876 830 €). « Le bilan de cette saison est très positif, le marché se porte bien. Des enchères très élevées ont été enregistrées », commente Pauline De Smedt, directrice du département arts décoratifs du XXe et design chez Christie’s.

Globalement, on observe un déplacement de l’intérêt des acheteurs vers la seconde partie du XXe siècle. Jacques Émile Ruhlmann ou Jean-Michel Frank, qui pouvaient s’imposer dans le Top 10 des maisons ces dernières années, ne sont guère plus présents. « Les pièces d’avant guerre trop marquées se vendent moins bien, aussi les vendeurs sont plus frileux. Seules celles à l’esthétique moderne continuent à susciter de l’intérêt », indique Cécile Verdier, codirectrice mondiale du département design de Sotheby’s. Le mobilier de sculpteurs à l’esprit baroque, du couple Lalanne comme des frères Giacometti, a remporté un vif succès. L’intégralité de l’ensemble de 18 œuvres des Giacometti proposé par Sotheby’s a trouvé preneur, souvent très au-delà des attentes : ainsi d’un Guéridon-arbre au hibou, de Diego (vers 1980, 435 000 €), ou d’une Table grecque, également en bronze patiné et verre (399 000 €), mais aussi de lampadaires, tapis ou poignées de portes. Christie’s a quant à elle cédé une Paire de fauteuils aux pommeaux de canne (vers 1963) de Diego, qui avait fait partie de la collection Coco Chanel (685 000 €), et une lampe ornée d’une étoile signée cette fois Alberto (79 500 €).

Le couple Lalanne était également la vedette de cette session. Le Love-seat de Claude, aux entrelacs de végétaux, dont l’unique autre exemplaire faisait partie de la collection Bergé-Saint Laurent (721 500 €), a multiplié par cinq son estimation basse chez Christie’s, qui a vendu six autres lots du couple. Chez Sotheby’s, les enchérisseurs ont poussé jusqu’à 549 000 euros pour une banquette crocodile de 2007. Pourquoi un tel succès pour ces créateurs ? « Les marchés des Lalanne comme des Giacometti sont très ouverts. Ce sont des meubles et en même temps des sculptures, qui intéressent aussi bien les amateurs de design que ceux d’art impressionniste, moderne et contemporain », indique Pauline De Smedt. « Nous sommes à la limite de l’art et des arts décoratifs, confirme Cécile Verdier. Lalanne ou Giacometti sont devenus des marques mondiales. Il y a dans leurs pièces une grande poésie et l’utilisation de l’animal comme de la végétation n’est pas liée à une époque ou une zone géographique. Ils peuvent parler à des univers très différents. »

L’effet Giacometti à Shanghaï
Le succès de Diego et Alberto Giacometti est venu du vif intérêt qu’ils ont rencontré auprès de la clientèle asiatique, particulièrement présente, qui a emporté quatre pièces phares de l’ensemble proposé chez Sotheby’s et enchéri sur plusieurs lots chez Christie’s. « Nous avons été portés par l’exposition du Yuz Museum à Shanghaï, sur Alberto Giacometti, explique Cécile Verdier. Cela faisait un moment que nous avions quelques clients asiatiques qui s’intéressaient à l’Art nouveau ou l’Art déco, mais pas aux périodes suivantes. Ils participent à un véritable élargissement des acheteurs. » Cet afflux d’Asiatiques a été constaté par l’ensemble des maisons de ventes. Chez Artcurial, cette clientèle a permis de réaliser quatre des cinq plus hauts prix de la vente généraliste. Ils ont notamment fait exploser les estimations de Jean Prouvé, dont un bahut à portes coulissantes en aluminium (1948, est. 60 000-80 000 €) a été vendu 266 500 euros, ou de Charlotte Perriand dont la mythique bibliothèque Maison de la Tunisie (1952, est. 90 000-120 000 €) a été adjugée 170 500 euros.
Le 2 juin, Piasa, qui misait sur des signatures moins connues, a totalisé 1,2 million d’euros, un chiffre peu ou prou dans l’estimation, avec un beau prix pour une table de conférence de Roger Fatus (138 800 €). Le même soir, Tajan n’a adjugé que 35 % de lots d’une vente quand ceux les plus importants, de George Nakashima, Hans Wegner ou Ron Arad, n’ont pas trouvé preneur.

Toutes les estimations sont indiquées hors frais acheteur tandis que les résultats sont indiqués frais compris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°459 du 10 juin 2016, avec le titre suivant : Les Lalanne et les Giacometti en vedette

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