Salon du dessin

L’ancien fait mieux que le moderne

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 13 avril 2016 - 760 mots

Des feuilles de qualité ont jalonné cette 25e édition, avec une profusion d’œuvres modernes, qui pourtant ont moins séduit les collectionneurs que le dessin ancien.

PARIS - Le Salon du dessin, qui a fermé ses portes le 4 avril au palais Brongniart, a tenu son rang et n’a pas été boudé par les visiteurs, quoique plus frileux que de coutume. Pour ce 25e anniversaire, les exposants avaient fait la part belle aux dessins du XIXe et du XXe siècle, mais ce sont les feuilles anciens et de la première moitié du XIXe qui ont surtout tenté les acheteurs.

Les conservateurs de musées américains, anglais et allemands avaient fait le déplacement, parmi lesquels le Metropolitan Museum of Art et la Morgan Library de New York, la National Gallery de Washington, le Getty (Los Angeles) ou le British Museum (Londres). Un signe de l’intérêt des professionnels pour ce salon unique en son genre, le seul spécialisé dans ce domaine. Les particuliers aussi se sont pressés à la manifestation, mais nombre d’Américains, effrayés par les menaces d’attentats qui pèsent sur l’Europe, ont reporté leur voyage.

Louis de Bayser, président du Salon et spécialiste du dessin ancien, a constaté que l’appétit d’achat était toujours aussi fort et a cédé plusieurs œuvres, entre 10 000 et 100 000 euros, dont une Tête de femme au ruban rouge par Élisabeth Vigée Le Brun ou Deux études de têtes par Cristoforo Roncalli dit « Pomarancio ». « Les collectionneurs se focalisent souvent sur deux ou trois dessins emblématiques, que l’on pourrait vendre cinq fois. Les gens n’hésitent pas à acheter quand il s’agit d’une œuvre importante. D’ailleurs, nous vendons mieux une sanguine de très belle qualité à 200 000 euros qu’une sanguine du même artiste mais de moins belle facture à 50 000 euros. » Toujours en art ancien, la Galerie Coatalem (Paris) s’est dessaisie de deux œuvres de Boucher, tandis que Didier Aaron & Cie (Paris) montrait une œuvre de Vasari, Allégorie de l’Éternité (autour de 500 000 euros), qui n’a cependant pas trouvé preneur. Quant à Talabardon & Gautier (Paris), ils ont vendu un fusain de Charles Milcendeau (1872-1919), Jeune fille des Sables-d’Olonne, au Getty, et un Portrait de Vivant Denon par Johann Christian August Schwartz (1756-1814) à un particulier. Mais son œuvre phare, une huile sur papier de Jacob Jordaens, Étude d’homme nu et de deux enfants (1,2 million d’euros), attendait toujours un acquéreur. Selon Martin Moeller (Hambourg), qui a affirmé avoir vendu chaque jour, entre autres au Metropolitan, « les œuvres de 2 000 ou 3 000 euros se vendaient moins bien que celles à 15 000 euros ». D’ailleurs, si un dessin de Michel-Ange partait auparavant autour de 10 millions d’euros sur le Salon, la majorité des dessins se négocient aujourd’hui aux alentours de 20 000 euros.
« Dans l’ensemble, la clientèle du Salon est plutôt française donc ceux qui en profitent le plus sont les exposants français », constatait l’expert en dessins anciens Nicolas Joly, d’où les difficultés rencontrées par certains marchands étrangers.

Ancien et moderne
Le Claire Kunst (Hambourg) mêlait ancien et moderne, juxtaposantdes feuilles de Sonia Delaunay, un dessin de Tiepolo et un autre d’Hubert Robert, tous deux vendus, ceci non loin d’un dessin au crayon de Georges Seurat, Femme assise, affiché à 760 000 euros. Même démarche chez Art Cuéllar-Nathan (Zurich) qui montrait une œuvre de Géricault, La Charrette à charbon, à côté de La Baignoire (1942) de Bonnard (1,2 million d’euros). Mathieu Néouze (Paris), pour qui le commerce était plus calme que l’an passé, témoignait d’un goût certain. Spécialiste de la période 1880-1930, entre réalisme et symbolisme européen, il présentait une Madone (1907) de Gustav Adolf Mossa (35 000 euros) et cédait une Araignée de Frémiet (1824-1910). Tout aussi audacieux, ce qui ne porte pas toujours ses fruits du point de vue commercial, Stephen Ongpin (Londes) était venu avec un Christ sur la croix d’Odilon Redon (autour de 400 000 euros) et un pastel de Mary Cassatt représentant une tête de bébé. D’autres galeries, dites modernes, allaient jusqu’à exposer de l’art contemporain, à l’instar de Brame et Lorenceau (Paris) venus avec un dessin de Jean-Michel Basquiat, Telsa vs Edison, représentant la lutte du courant continu contre le courant alternatif (autour de 240 000 euros). « Il y a une bonne énergie sur le Salon, même si on sent que les gens sont un peu attentistes », soulignait Antoine Lorenceau.

Ce salon élégant gagnerait en lisibilité si les stands étaient moins chargés, car, compte tenu de l’étroitesse du lieu, les exposants tentent de rentabiliser au maximum leurs petits espaces.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°455 du 15 avril 2016, avec le titre suivant : L’ancien fait mieux que le moderne

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