Angoulême : billard à trois bandes

Prenant prétexte des polémiques qui agitent le Festival de la BD, la Ville d’Angoulême veut repenser sa contribution au Pôle Image et menace l’école d’art de remettre en cause son financement.

ANGOULÊME - Depuis des années, le Festival international de bande dessinée d’Angoulême est la vitrine mondiale d’une économie locale centrée sur l’image : aux côtés de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, se trouve l’École européenne supérieure de l’image (EESI) et tous les autres acteurs du Pôle Image Magelis, un syndicat mixte porté par le conseil général de Charente qui regroupe une centaine d’associations et d’entreprises spécialisées. Tirant « les leçons d’un rythme de polémiques plus soutenu que d’habitude », le maire, Xavier Bonnefont (LR), a expliqué vouloir « reprendre en main le festival, qui est la figure de proue d’un investissement global de la Ville de 3 millions d’euros par an dans la filière ».
Mais certaines lignes du compte rendu du conseil municipal consacré à ce sujet ont alarmé les personnels de l’EESI : « il s’agit […] concernant l’EESI, et sans aucune remise en cause de la qualité de ses enseignements […] et de l’opportunité de maintenir à Angoulême une telle formation spécialisée […] de débattre de ses conditions de financement. […] Aussi […] la ville entreprend les démarches juridiques dans le but d’un retrait formel de sa participation statutaire de l’EESI, et ce pour le 31 décembre 2016 ». En d’autres termes, la Ville souhaiterait quitter l’EPCC (Établissement public de coopération culturelle), dont elle contribue à hauteur de 20 % au budget. Les autres partenaires sont l’État (40 %), la Région Aquitaine - Limousin - Poitou-Charentes (20 %) et la Ville de Poitiers (20 %), qui héberge la seconde moitié du campus.
Selon le directeur de l’école, Patric Clanet, ce retrait entraînerait mécaniquement la fermeture de l’école d’art d’Angoulême. Pourquoi une telle décision, alors que le directeur vient d’être nommé, et que le maire, qui siège au conseil d’administration de l’école, a lui-même validé le nouveau projet pour l’EESI ?

Xavier Bonnefont reconnaît lui-même que « la formulation est sèche, mais [qu’il a] voulu créer un électrochoc ». Arguant que « la loi NOTRe invite à repenser les contributions respectives des collectivités », il entend faire pression sur les autres financeurs (notamment la Région, présidée par Alain Rousset, PS) pour que l’agglomération du Grand Angoulême, présidée par Jean-François Dauré (PS), entre à l’EPCC. Il s’agit de diversifier les financements dans l’objectif que la municipalité se consacre davantage au festival. Enfin, le maire a voulu faire monter la température pour que l’État prenne position sur les conflits qui minent le Festival, au premier rang desquels la menace de boycott des éditeurs. Le coup semble avoir fonctionné : la ministre de la Culture a nommé le 1er avril le haut fonctionnaire Jacques Renard à la tête d’une « mission de médiation relative au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême ».

Bien que son école soit devenue l’otage du jeu politique local, son directeur ne s’alarme pas et entend poursuivre sa mission en 2017. Pour cela, il compte sur la médiation de l’État et sur les assurances du maire qui a admis : « L’école est une pépite, et il est hors de question pour la ville de se désengager sans solution, car le travail de concertation doit être fait. » Une concertation qui démarre un peu brutalement.

Légende photo

La cité de la BD à Angoulême, avec la passerelle Hugo Pratt. © Photo : Philippe Métifet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°455 du 15 avril 2016, avec le titre suivant : Angoulême : billard à trois bandes

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